Le pape en Arménie, où il est vu comme avocat de la cause arménienne

Le pape François, 12 juin 2016. (AP Photo/Alessandra Tarantino)

Le pape est arrivé vendredi en Arménie où il est attendu avec ferveur par une population chrétienne qui le voit en messager de paix et comme son meilleur avocat face à Ankara, toujours dans le déni du génocide de 1915-17.

A bord de l'avion qui l'emmenait dans ce quatorzième voyage à l'étranger, François en appelé à la "responsabilité" de l'Europe pour "garantir le vivre ensemble", après le vote historique britannique en faveur d'un retrait du Royaume-Uni de l'Union européenne.

Le pape prévoit d'abord d'aller prier à la cathédrale arménienne apostolique d'Etchmiadzin avec le Catholikos Garegine II, à 18 km de la capitale, Erevan.

Son programme jusqu'à dimanche est très religieux, sans les habituelles étapes dans des prisons ou centres sociaux. Il multipliera les gestes oecuméniques envers l'Eglise apostolique arménienne, séparée de l'Eglise catholique depuis le IVe siècle, et qui rassemble aujourd'hui plus de 90% de la population, alors que les catholiques sont moins de 10%.

Deux moments seront plus politiques: la rencontre, vendredi, avec le président Serge Sarkissian et 240 représentants du monde politique, civil et diplomatique, et, samedi, la visite au mémorial de Tsitsernakaberd, où est commémoré le génocide du peuple arménien sous l'empire ottoman pendant la Première guerre mondiale.

Les Arméniens sont très reconnaissants à Jorge Bergoglio d'avoir parlé en avril 2015 au Vatican de "génocide" pour définir le Medz Yeghem (le Grand Mal) dans lequel 1,5 million des leurs auraient trouvé la mort en 1915/16.

Ankara, pour qui il s'agit d'une guerre civile dans laquelle 300.000 à 500.000 Arméniens et autant de Turcs ont trouvé la mort, avait rappelé provisoirement son ambassadeur au Vatican.

Suspense

Beaucoup d'Arméniens espèrent que le pape prononcera en terre arménienne le mot génocide. Alors que de nombreux chrétiens de Syrie et d'Irak (dont des Arméniens) ont afflué en Turquie, Ankara a réagi très durement quand le Bundestag allemand a reconnu le génocide début juin.

Selon le père Shahe Ananya, chef du département pour les relations inter-ecclésiales de l'Eglise apostolique arménienne, "le pontife a indiqué clairement qu'il restait ferme sur sa position. Son message est pour le monde entier. Cela va favoriser la reconnaissance internationale du génocide".

Selon l'Institut national arménien, 27 Etats l'ont déjà reconnu, notamment l'Allemagne, la France, la Russie, les Etats-Unis, ainsi que le Vatican.

Les identités religieuse et nationale sont liées dans l'histoire arménienne, y compris dans la diaspora, qui compte quelque 7 millions d'Arméniens, de la Californie au Liban en passant par la Russie.

"En Arménie, quand tu dis arménien, cela veut dire chrétien. Le peuple arménien croit en sa résurrection après avoir passé beaucoup de Golgothas. Le pape François vient visiter ses enfants", s'est réjoui le père Lwis Naamo, recteur du collège pontifical arménien (catholique) de Rome.

Le pape encouragera la vitalité de la foi chrétienne dans cet Etat pauvre et enclavé, reconstitué il y a seulement 25 ans, où les fidèles ont été persécutés sous Staline.

En séparant par ailleurs sa visite en Arménie de celle qu'il fera dans les deux autres pays du sud du Caucase (Azerbaïdjan et Géorgie) en septembre, François "souligne que l'Eglise apostolique arménienne a une place spéciale dans le monde chrétien comme porteuse des valeurs chrétiennes, en raison du rôle qu'elle joue pour les préserver", s'est félicité le père Ananya.

Dans un vidéomessage adressé mercredi aux Arméniens, François a dit "venir comme un pèlerin pour puiser à la sagesse antique de votre peuple, et m'abreuver aux sources de votre foi, solide comme vos fameuses croix sculptées dans la pierre" qui se voient partout en Arménie.

"Je viens", a-t-il encore dit, "vers les hauteurs mystiques de votre pays (...) car les épisodes de l'histoire de votre peuple aimé suscitent en moi admiration et douleur (...)", a-t-il encore dit.

Avec AFP