"Le Mali est notre plus grande inquiétude", selon Mohamed Bazoum

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Le ministre nigérien de l'Interieur affirme que le combat contre Boko Haram est "pratiquement gagné" (vidéo)

Dans un entretien accordé à VOA Afrique à Niamey, Mohamed Bazoum revient sur la situation dangereuse le long de la frontière entre le Niger et le Mali. Le ministre nigérien affirme aussi que le combat contre Boko Haram est "pratiquement gagné". Il reconnait enfin qu'il y a eu usage excessif de la force contre les étudiants de l'université Abdou Moumouni. Entretien.

Diriez-vous que le combat est gagné contre Boko Haram ?

Mohamed Bazoum : "Il est pratiquement gagne. Nous avons eu beaucoup de succès. L'ennemi a été affaibli au Nigeria, au Cameroun, au Niger et au Tchad depuis longtemps. Il reste quelques capacités résiduelles de nuisance mais rien de comparable à ce qu'on voyait il y a quelques années. Rien de nature à remettre en cause la stabilité des pays voisins du Nigeria. Dans l'Etat de Borno, Boko Haram a encore quelques capacités mais elles ne sont pas importantes."

La frontière est-elle entièrement sécurisée entre le Niger et Nigeria ?

Mohamed Bazoum : "Nous sommes présents dans la mesure des moyens que nous avons et dans la mesure du nombre de militaires que nous pouvons projeter. Au total, la frontière est assez bien gardée même s’il reste quelques interstices. Rarement, désormais, ils sont en mesure d’attaquer nos positions comme ils l’ont fait ce mois-ci (NDRL à​ Geskérou) et ils l’ont appris à leurs dépens. C’était leur dernier baroud d’honneur".

Les îles du Lac Tchad sont-elles le dernier bastion de Boko Haram ?

Mohamed Bazoum : "Oui, c'est leur dernier sanctuaire. Ils sont retranchés dans ces îles et une opération doit avoir lieu pour nettoyer ce no man's land situé entre tous les Etats. C'est difficile de contrôler et de stationner des forces de façon fixe. Cela leur offre le meilleur espace mais c’est la fin de leur existence."

Mohamed Bazoum, ministre nigérien de l'Intérieur, dans son bureau, Niamey, le 21 avril 2017 (VOA/Nicolas Pinault)

Est-ce que la frontière avec le Mali ne constitue pas un danger plus sérieux ?

Mohamed Bazoum : "Tout à fait. Malheureusement, les risques sont plus grands car la situation ne s’améliore pas au Mali, au contraire. Nous avons de sérieux indices qui montrent que la menace à venir est encore plus forte que celle éprouvée jusqu'à présent."

Pourquoi la situation ne s'améliore pas au Mali malgré​ Serval, Barkhane ou la Minusma ?

Mohamed Bazoum : "Le problème c’est qu’il n’y a pas qu’a la frontière malienne qu’il y a des défis. La situation dans le centre du Mali, jusqu’à Mopti, s’est fortement dégradée. C’est une zone où il n’y a pas la Minusma. Cette dernière n’a pas été un modèle d’efficacité car c’est une opération de maintien de la paix or nous ne sommes plus au Mali en situation de paix, malgré l’accord d’Alger. Il y a eu beaucoup d’espace pour les organisations terroristes. Kidal a toujours un statut ambigu malgré le MOC et les autorités de transition installées. Le nord de Kidal échappe à tout contrôle de forces qui ne soient pas hostiles à l’Etat du Mali et à la communauté internationale. A Tombouctou, cela va beaucoup mieux mais il y a toujours des difficultés. La zone entre Menaka et notre frontière est truffée de terroristes qui ont quelques sanctuaires et qui agissent contre nous. Plus au sud, à la frontière du Burkina aussi, il y a des terroristes. C’est cette dynamique négative qui est la réalité aujourd’hui."

Pensez-vous que l’otage américain enlevé à Abalak au Niger en octobre 2016 se trouve au Mali ?

Mohamed Bazoum : "Oui, il est encore au Mali, s'il est encore envie. Je ne suis au courant de rien, je l'avoue. Des personnes comme cet Américain enlevé, ne devraient pas se trouver dans cette région là. On ne leur assurera jamais assez de sécurité. Ce sont des cibles prisées par les terroristes qui ont une grande valeur. Pour certains pays même, ils peuvent avoir une valeur marchande. C'est le genre de personnes que nous ne voulons pas voir vivre dans certaines régions de notre pays dans un état d'isolement. Ils contreviennent aux consignes de leurs propres Etats et nous nuisent considérablement. C’est son cas. C’est de l’imprudence qui traduit un certain romantisme de la part d’une personne par ailleurs tout à fait sympathique et admirée par les populations. Cela a un prix élevé pour cette personne et pour le Niger."

Pourquoi Niamey a décidé de répondre favorablement aux demandes de Bruxelles en matière d'immigration clandestine ?

Mohamed Bazoum : "Ce sont des raisons simples, propres au Niger. D’abord, le Niger n’est pas un pays de départ de migrants vers l’Europe. Sinon, nous serions gênés puisque nous aurions à lutter contre nos propres compatriotes. Cela aurait eu un cout en terme d’image, de popularité pour nous. Ce n’est pas le cas contrairement à d’autres pays qui ne sont pas aussi actifs que nous dans le cadre de la mise en œuvre de ce que nous avons promis à La Valette. Lorsque nous luttons contre l’immigration clandestine, nous luttons aussi contre la corruption de nos services de douane aux frontières. Nous savons surtout que les véhicules qui déposent les migrants en Libye ne reviennent pas vides. Ils reviennent avec des armes qui alimentent le trafic dans la région et qui nourrissent cette guerre au Mali ou Boko Haram. Il y a aussi une interconnexion avec le trafic de drogue. Ceux qui savent contourner les frontières, pour faire passer les migrants acquièrent un savoir-faire utilisé par les trafiquants de drogue. Et le terrorisme est derrière tout cela. Donc lutter contre l’immigration clandestine, c’est lutter contre le terrorisme."

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Bazoum reconnait un usage excessif de la force contre les étudiants au Niger (vidéo)

Y a-t-il eu usage excessif de la force contre les étudiants par les forces de sécurité nigériennes ?

Mohamed Bazoum : "Oui à mon avis. Je pense que nous n’avons pas bien mesuré ce qui se passait. Nous aurions pu contenir cette manifestation autrement. C’est pourquoi nous avons révisé tout ce qui a été fait le 10 avril. La cité universitaire a été rouverte par le président de la République et nous avons libéré les étudiants arrêtés. Nous avons donné beaucoup de gages aux étudiants parce que nous n’étions pas prêts à assumer les conséquences de cette action qui, de mon point de vue, n’était pas particulièrement intelligente."