Le Brésil en pleine crise politique

Le présidente du Brésil, Dilma Rousseff. (AP Photo/Eraldo Peres)

Le Brésil triomphant des années Lula prend l'eau de toute part menaçant d'entraîner dans son naufrage une économie en lambeaux et son timonier, la présidente Dilma Rousseff, menacée d'une infâmante destitution.

Le géant émergent d'Amérique du sud, sorti de sa torpeur au cours de la décennie dorée des années 2000, offre aujourd'hui "la pire image possible, celle d'un pays sans cap, à la dérive, dont le capitaine a disparu", a commenté pour l'AFP André César, analyste politique indépendant à Brasilia.

Frappé de plein fouet par une récession brutale, secoué par un tsunami de révélations sur le méga-scandale de corruption autour du groupe pétrolier public Petrobras qui ont déchaîné une crise politique incontrôlable, le paquebot Brésil a tangué par gros temps tout au long de l'année.

Il a fini par percuter l'iceberg mercredi soir, avec le déclenchement d'une procédure de destitution contre la présidente de gauche Dilma Rousseff pour maquillage des comptes publics.

Cette procédure à l'issue incertaine est susceptible de paralyser un peu plus ce pays de 202 millions d'habitants au moment où il a le plus besoin d'un solide leadership.

Elle achève d'écorner l'image d'un pays émergent du futur, qui promettait de se convertir en gigantesque marché pour les pays riches, et en modèle de démocratie et de réduction des inégalités sociales pour l'Amérique latine.

En 2010, année de la première élection de Dilma Rousseff, le Brésil avait enregistré une croissance remarquable de 7,5%, symbole d'une décennie qui avait vu émerger une nouvelle classe moyenne de 40 millions de Brésiliens grâce à des programme sociaux ambitieux et à un cycle économique favorable aux grands exportateurs de matières premières.

Cinq ans plus tard, à seulement huit mois du coup d'envoi des JO-2016 de Rio de Janeiro, le climat a viré au pessimisme, à l'incrédulité.

La dette et les déficits publics s'envolent à un rythme accéléré. L'inflation frise les 10%. Le pays perd 200.000 emplois par mois. Le PIB brésilien devrait se contracter de plus de 3% en 2015, d'environ 2% en 2016 selon les analystes: la plus longue récession en 85 ans.

Le gouvernement éprouve les pires difficultés à faire adopter ses impopulaires mesures d'ajustement budgétaire. Le réal a perdu plus de 30% de sa valeur face au dollar depuis janvier. Les recettes fiscales s'effondrent.

Le Brésil est victime du ralentissement de l'économie chinoise et de l'effondrement, en partie liée, de prix des matières premières, comme le minerais de fer ou le soja.

Mais il paye aussi, selon de nombreux économistes, les choix controversés de la présidente au cours de son premier mandat.

Alors que le modèle de croissance par la consommation s'essoufflait et que s'inversait le cycle des matières premières, elle a engagé de couteuses dépenses pour soutenir l'économie: exonérations fiscales à des secteurs entiers de l'économie, hausse continue des bas salaires.

- 'Confiance zéro' -

Le scandale Petrobras, qui a envoyé en prison la plupart des anciens dirigeants du groupe, les patrons des plus grosses entreprises de construction du pays et récemment le PDG de la plus grande banque d'investissement d'Amérique latine, a achevé de gripper la machine.

"Le secteur privé a une confiance zéro dans le gouvernement et n'investit plus rien dans le pays, cela contribue à la récession", souligne le politologue David Fleischer.

Ce scénario catastrophe a entrainé le déclassement de la note souveraine du Brésil au rang de "spéculative" par l'agence Standard and Poor's. Moody's et Fitch risquant rapidement de lui emboiter le pas.

La crise politique qui menace Dilma Rousseff, dont la popularité s'est effondrée sous un seuil historique de 10%, est considérée par les analystes comme la pire depuis celle qui avait conduit à la destitution de Fernando Collor de Mello en 1992.

"Dilma vit le pire moment de ses cinq années de mandat et n'a pas beaucoup de moyens politiques pour se défendre. Si l'économie allait bien, ce serait différent", estime l'analyste André Cesar.

Pour David Fleischer, la "paralysie va se poursuivre et empirer. Rousseff n'est plus en mesure de faire approuver quoi que ce soit au Congrès".

André Leite, économiste pour TAG Investimentos, résume l'humeur des marchés : "Le Brésil a été paralysé pendant 12 mois. 2015 est une année perdue au cours de laquelle rien n'a été fait. Tout ce qui pourra nous sortir de cette paralysie sera très positif"...

Avec AFP