La production d'opium atteint de nouveaux plafonds en Afghanistan

Des agriculteurs afghans récoltent de l'opium, Afghanistan, avril 2014.

La production d'opium, source de financement des talibans, repart à la hausse en Afghanistan, le premier fournisseur mondial, avec des rendements qui explosent et des mesures d'éradication en panne.

Selon les estimations annuelles de l'ONU présentées dimanche, les surfaces dédiées au pavot, matière première de l'opium extrait par incision de la plante, ont augmenté de 10% en un an pour atteindre leur troisième plus haut niveau en 22 ans.

Cette extension des cultures à 201.000 ha laisse présager une production d'opium autour de "4.800 et même 6.000 tonnes", contre 3.300 t en 2015, première année de recul après six ans de hausse continue.

Seules les années 2014 (224.000 ha) et 2013 (209.000 ha) avaient fait davantage selon les statistiques de l'ONU depuis 1994, un sérieux revers pour les Occidentaux au chevet de l'Afghanistan depuis 2001.

Surtout les champs de pavot s'étendent désormais vers le nord du pays, n'épargnant plus que 13 des 34 provinces afghanes, un constat jugé "très perturbant" par le responsable de l'agence anti-drogue des Nations unies (ONUDC) à Kaboul, Andrey Avetisyan.

Dans la province septentrionale de Balkh, frontalière de l'Ouzbékistan, le pavot est passé de 204 à plus de 2.000 ha (+ 921%) en un an et sur les sept provinces du nord, la hausse atteint une moyenne de 324%.

Le phénomène nouveau selon l'ONU est l'explosion des rendements à l'hectare attribuée à de "meilleures conditions climatiques", de plus 30% en moyenne: dans les provinces du sud et de l'ouest qui assurent 93% du pavot afghan, ils sont passés de 16 à 22 kilos/ha.

Et encore, prévient l'ONU, les conditions de sécurité ne permettant pas d'aller partout, les évaluations "sont sans doute sous-estimées".

M. Avetisyan refuse de parler d'échec, en rapportant les performances de 2016 à la moyenne des dernières années : 6.400 t en 2014, année exceptionnelle et 5.500 t en 2013, année moyenne - mais 7.400 t en 2007, année de record absolu. Mais les responsables afghans de la lutte anti-drogue n'ont pas caché leur amertume à l'énoncé de ces données qui promettent davantage de violence et d'insécurité, les talibans finançant largement leur insurrection par le prélèvement de taxes sur les cultivateurs de pavot.

Le pavot fait vivre 10% des Afghans

Le général Baz Mohammad Ahmadi, vice-ministre de l'Intérieur chargé de la lutte anti-drogue, rappelle que le pavot "finance la plupart des guerres en Afghanistan: partout où vous voyez du pavot, vous avez des combats".

Parallèlement, ajoute-t-il, "la détérioration des conditions de sécurité dans les différentes régions du pays a également balayé les possibilités de détruire les cultures".

Ainsi, le Helmand, frontalier du Pakistan, compte parmi les provinces les plus troublées avec l'Uruzgan voisin et toutes deux échappent largement au contrôle du gouvernement.

De fait, l'éradication a été réduite pratiquement à néant en 2016, avec des campagnes menées dans sept provinces au lieu de douze, pour un bilan de 355 hectares arrachés, vérifiés par l'Onu, contre dix fois plus en 2015 (3.760 ha).

"Avec les moyens dont nous disposons, nous ne pouvons pas lutter contre la culture du pavot dans les régions en proie à l'insécurité" a prévenu dimanche le général Ahmadi.

Depuis le printemps, les Américains déployés dans le cadre de l'opération Resolute Support d'appui aux forces afghanes n'ont cessé d'alerter sur "la très bonne récolte" qui permet aux talibans de multiplier les offensives contre les capitales provinciales et les poches d'insécurité sur la plupart des grands axes.

Un expert occidental indique que les "taxes sur le pavot rapportent de 800 millions à 1,2 milliard de dollars par an aux talibans".

Face à ce cercle vicieux, dans lequel le pavot entretient la violence, la ministre chargée du volet préventif de la lutte anti-drogue, Salamat Azimi, a dénoncé avec le responsable de l'ONU "le manque de fonds dédiés": "Le défi de la drogue est un problème régional et international, qui nécessite des contributions régionales et internationales".

Mais l'autre défi, reprend l'expert, est que "le pavot fait vivre 3 à 4 millions d'Afghans", environ 10% de la population. "Les provinces du pavot sont d'ailleurs les seules qui pourraient se passer de l'aide internationale" souligne-t-il.

Avec AFP