A travers le monde, des travailleurs de première ligne ont été insultés, brutalisés, voire tués pour avoir tenté d'appliquer des règles destinées à protéger le public contre la propagation du coronavirus.
Une enquête de novembre 2020 de l'Université du Massachusetts menée auprès des travailleurs dans six États américains a révélé que ceux qui travaillaient dans le commerce de détail et l'hôtellerie étaient ceux qui devaient faire face à la plus grande résistance aux masques et à la distanciation sociale.
Les travailleurs à bas salaire ont été les plus exposées aux personnes refusant de se conformer aux mesures anti coronavirus.
Une employée d’épicerie tuée en Georgie
Laquitta Willis, 41 ans, caissière dans une épicerie du comté de Dekalb en Géorgie, a été tuée en juin 2021 après une dispute sur le port du masque avec un client, Victor Lee Tucker, 30 ans.
Le suspect serait entré chez Big Bear sans son cache-nez. Une vive discussion s’en serait suivie entre l’homme et Mme Willis, une employée qui travaillait dans l'épicerie depuis près d'une décennie et gardait méticuleusement son comptoir propre pendant la pandémie, selon plusieurs témoignages.
Laquitta Willis was killed by a customer who refused to wear his mask inside her job. Lady was literally trying to follow the policy and this coward felt so entitled that he shot her. https://t.co/x7icuOO6Bt
— Tro’ (@Trojuan_) June 16, 2021
Après être parti sans rien acheter, le suspect serait revenu dans l’épicerie avec une arme et aurait fait feu sur la femme. Après avoir tiré sur Mme Willis, le suspect a fait feu sur un policier qui travaillait à la sécurité de l’épicerie.
Victor Lee Tucker fait face à des accusations de meurtre et voies de fait.
Un employé de Family Dollar tué dans le Michigan
Calvin Munerlyn habitait à Flint, dans le Michigan, où tout le monde le connaissait sous le nom de "Duper", un surnom hérité de sa mère.
L'homme, étant grand, était facilement intimidant à première vue. Mais il suffisait de quelques instants en sa présence pour être conquis par son charme.
Il travaillait de jour comme agent de sécurité chez Family Dollar, une chaîne de magasins bon prix. En hiver, il travaillait de nuit dans un centre de réchauffement géré par Catholic Charities, une organisation communautaire à but non lucratif.
Security guard Calvin James Munerlyn "was simply doing his job" upholding Michigan%27s coronavirus guidelines when a man shot him for trying to make customers wear face masks at a Family Dollar store in Flint. 3 people have been charged with murder. https://t.co/4CsBqGc2eQ
— NewsOne (@newsone) May 4, 2020
Le 1er mai 2020, pendant son service chez Family Dollar, Calvin Munerlyn conseille à une jeune femme de porter un masque avant d'entrer dans le magasin. La mère de la femme devient furieuse et crache sur l'agent de de sécurité. Ce dernier ordonne à une caissière de ne pas servir la cliente récalcitrante.
Les deux femmes partent en voiture et reviennent environ une vingtaine de minutes plus tard. Elles sont accompagnées par deux hommes, le père et le frère de la jeune femme qui refusait de porter son masque facial.
L'un des hommes sort une arme à feu et tire une balle dans la tête du vigile. Il est transporté à l'hôpital, mais juste pour être déclaré mort.Cela ne faisait qu'un peu plus d'un mois depuis que Calvin Munerlyn travaillait chez Family Dollar.
Il avait arrêté de travailler dans des boîtes de nuit pour éviter justement de s'exposer aux risques de confrontations violentes. L'ironie du sort avait voulu qu'il meure dans des circonstances pareilles à Family Dollar, considéré comme un havre de paix comparé aux boîtes de nuit.
Calvin Munerlyn, 43, a father of six, was shot in the back of the head in Flint because he refused to let a man%27s daughter enter Family Dollar without a mask. https://t.co/bU3cRr7IEq
— Steve Neavling (@MCmuckraker) May 5, 2020
La mort de Munerlyn a pesé lourdement sur la communauté. Un drapeau a été hissé au Capitole de l'État du Michigan en sa mémoire et sa famille a accepté la clé de la ville de Flint en son nom. Il a également été nommé à titre posthume Parent de l'année à la Madison Academy High School, où sa fille Cavetta Munerlyn a obtenu une excellente note quelques jours après sa mort.
Un agent de sécurité tué lors d'un match de basket-ball
Martinus "Mitch" Mitchum, un officier de police de l'Université de Tulane, agent de réserve du 2e tribunal municipal, et responsable des inscriptions à l'Athlos Academy of Jefferson Parish, travaillait comme agent de sécurité lors d'un match de basket-ball au lycée George Washington Carver, dans la Nouvelle-Orléans dans la Louisianne lorsqu'il a été abattu.
Mitchum, qui était en uniforme au moment des faits, est intervenu dans une altercation entre John Shallerhorn et un administrateur de l'école parce que Shallerhorn s'était vu refuser l'entrée dans le jeu pour ne pas avoir refusé de porter son masque facial. Mitchum est intervenu pour escorter l'homme hors du bâtiment.
Le suspect, John Shallerhorn, 35 ans, avait alors tiré deux coups de feu. L'un avait touché Mitchum à la poitrine. Emmené au centre médical universitaire par les ambulanciers paramédicaux, Mitchun avait été déclaré mort peu de temps après.
A Louisiana man who tried to walk into a high school basketball game without wearing a mask punched a staffer who tried to stop him and then fatally shot Martinus Mitchum, a Tulane University officer, when he came to help. #lalege https://t.co/9ZLRzrVRaZ
— Shannon Watts (@shannonrwatts) March 1, 2021
"Cela fait mal parce qu'il était l'un des meilleurs", a déclaré Lyn Clark, un ancien joueur de football à l'école secondaire O. Perry Walker où Mitchum a travaillé de 2006 à 2016. "Ils ont tué quelqu'un qui a aidé tant d'étudiants afro-américains à sortir de là et à devenir quelque chose. Il a toujours tout soutenu. n'importe qui. Tout le monde était pour lui "mon fils" ou "ma fille", a ajouté Clark.
"Nous le taquinions toujours et disions à Mitch que vous avez plus d'enfants que quiconque pour être si jeune. Il m'agaçait parfois comme un petit frère, mais il était si authentique et il n'y avait rien qu'il ne ferait pas pour ces enfants", a déclaré Sheryl Eaglin, l'ancienne collègue de Mitchum.
Originaire de Detroit, dans le Michigan, Mitchum travaillait à la sécurité de l'école lorsqu'il a commencé. Mais il a été transféré à d'autres postes en raison de la façon dont il s'occupait des enfants et de ses autres compétences, selon Tarance Davis, l'ancien directeur sportif de l'école. Mitchum a été chargé des données et des inscriptions des étudiants et est également devenu le directeur des opérations de basket-ball et de football.
Slain officer Martinus Mitchum had a heart for church, children and law enforcement https://t.co/JjhO2AvaND via @nolanews
— Rod Walker (@RodWalkerNola) February 28, 2021
"(Mitchum) était un professionnel de la police dévoué qui avait à cœur de servir la communauté de Tulane", ont déclaré des responsables de Tulane dans un communiqué.
Un chauffeur de bus tué dans le Maryland
Frankye Duckett, 49 ans, a été tué en janvier 2021. Il travaillait pour le programme Mobility Link de l'Administration des transports en commun du Maryland (Maryland Transit Administration). Il transportait des personnes à mobilité réduite et des handicapés autour de Baltimore.
Un vendredi soir de janvier 2021, M. Duckett se rend au travail depuis la Pennsylvanie, où il vivait et espérait prendre sa retraite dans quelques années, a rapporté le Baltimore Sun.
Ce jour là, M. Duckett se dispute avec le petit-fils d'une femme âgée qu'il devait transporter. La dispute aurait commencé après que Duckett ait dit au petit-fils de cette dernière qu'il n'était pas autorisé à monter dans le bus sans masque facial. Puis le chauffeur est parti.
Selon des images de sécurité, alors que le bus s'approche d'un arrêt, un homme, qui, selon la police, était le petit-fils, et qui sera connu comme Marquis Poteat, sort d'une voiture et tire sur M. Duckett par la fenêtre avant de s'enfuir dans la voiture. Il sera arrêté en avril et inculpé de meurtre.
Charging docs: argument between suspect triggered fatal shooting of MTA mobility van driver Frankye Duckett. Family says surveillance footage from his bus, shows argument was over Duckett telling man, “you can’t get on the bus without a mask,” says stepfather Charles Jackson. pic.twitter.com/FaTTfrEG2T
— Keith Daniels Fox45 (@KeithDFox45) February 4, 2021
Un employé abattu en Allemagne
Le 18 septembre 2021, un employé de 20 ans d'une station service a été tué en Allemagne par un client dont il avait refusé d'encaisser les achats pour non-port de masque.
C'était un étudiant qui travaillait dans une station service. Il avait refusé d'encaisser un client qui souhaitait acheter un pack de bières parce que ce dernier ne portait pas de masque.
Énervé, l'homme de 49 ans est parti en laissant ses bières sur le comptoir. Il est revenu une heure et demie plus tard en portant cette fois un masque mais l'a retiré en passant devant le comptoir pour susciter une réaction du caissier. Après avoir de nouveau reçu l'ordre de porter son masque correctement, le client a sorti un revolver de sa poche et a tiré sur l'étudiant, qui est mort sur le coup.
Le suspect s'est présenté le lendemain au poste de police local. Il a confié qu'il se sentait "acculé" par les mesures relatives à la pandémie de Covid-19 qu'il percevait comme une "atteinte croissante à ses droits" et qu'il n'avait vu "aucune autre issue", a déclaré le procureur Kai Fuhrmann.
La ministre de l'Agriculture Julia Klöckner, originaire de la région, a fait état d'un meurtre "choquant".
⚫ #Bayonne se souvient du chauffeur de bus Philippe Monguillot un an après sa mortAlors qu%27il leur demandait de mettre des masques et cherchait à contrôler leur titre de transport, le chauffeur du bus a été brutalement passé à tabac par des voyageurs https://t.co/I7Bw7HqtgC
— Le Figaro (@Le_Figaro) July 12, 2021
Un chauffeur de bus tué en France
En France, Philippe Monguillot, un chauffeur de bus de 59 ans, a été battu à mort le 5 juillet 2020 à Bayonne, dans le sud-ouest, après avoir demandé à quatre passagers de porter des masques faciaux rendus obligatoires à bord des transports publics français en raison du coronavirus. Le chauffeur a été insulté, poussé hors du bus et violemment battu et frappé à la tête.
Quatre personnes avaient été arrêtées mais certaines avaient été relâchées.
En mémoire de son mari, la veuve de Philippe Monguillot, a créé une association portant le nom de son mari, afin de soutenir et d’aider les chauffeurs de bus victimes d’agressions et de violences.
🇩🇪 🔴 Le choc en Allemagne après le meurtre d%27un employé de station-service abattu par un client qui refusait de porter le masque. pic.twitter.com/bs4LnNZi9f
— France TV Berlin (@FranceTVBerlin) September 22, 2021
Une sentinelle poignardée
Toujours en France, un agent de sécurité a été agressé à Brest une nuit d'août 2020 par un homme qui voulait entrer dans un bar sans masque.
Après qu'on lui a refusé l'entrée, l'homme est parti avant de revenir une trentaine de minutes plus tard devant le bar, assénant des coups de couteau au visage de la victime. La victime n'a eu la vie sauve que grâce à l'intervention des clients.
La sentinelle a été opérée en urgence pour une grave blessure à l'œil. L'assaillant a été arrêté et présenté à un juge d'instruction. Il était connu des services de police avait admis être l'auteur de l'agression, rapporte Paris Match.
La série d%27agressions liées au port du masque obligatoire s%27allonge. Un agent de sécurité a été poignardé à l’œil à Brest dans la nuit de samedi à dimanche par un individu alcoolisé qui voulait entrer dans un bar sans masque > https://t.co/9UfRAFxYu3
— Le Parisien (@le_Parisien) August 16, 2020
Une infirmière rouée de coups
Le 12 août 2020, une infirmière de 30 ans de l'hôpital de Ville-Evrard, à Neuilly-sur-Marne, a été violemment agressée dans un bus par trois jeunes hommes, dont deux adolescents de 16 ans, à qui elle demandait de porter un masque.
Les agresseurs avaient été présentés à un juge des enfants qui avait aussitôt requis leur placement en détention provisoire pour "violences aggravées".
D'autres agressions
Plusieurs autres employés ont été agressés pour avoir voulu appliquer les mesures contre le coronavirus.
La presse américaine mentionne aussi le cas de deux hommes qui se sont vu refuser l'entrée dans un magasin californien pour avoir refusé de porter des masques. L'un d'eux aurait frappé un employé, lui cassant le bras.
Une infirmière a été frappée dans un bus «à coups de poing, de pieds et de tête» par deux adolescents à qui elle demandait de porter un masque > https://t.co/WxIBQxQF3O pic.twitter.com/KBrdj91hBD
— Le Parisien (@le_Parisien) August 12, 2020
BuzzFeed News rapporte qu'un homme a été inculpé en Pennsylvanie pour avoir frappé un commis de magasin à plusieurs reprises au visage après que ce dernier lui a dit de porter un masque.
"Le meilleur et le pire"
"Le problème avec les pandémies, en particulier le COVID-19, c'est qu'elles font ressortir les extrêmes. Nous avions le meilleur chez les gens et le pire", a déclaré Steven Taylor, auteur du livre 2019 The Psychology of Pandemics et professeur de psychiatrie à l'Université canadienne de la Colombie-Britannique, cité par BuzzFeed News.