Au "minimum 25 ans" de prison requis contre Bemba

Jean-Pierre Bemba Gombo entre dans une salle d'audience de la CPI lors de son procès pour des crimes commis par ses troupes en Centrafrique, à La Haye, Pays-Bas, 21 mars 2016. epa/ JERRY LAMPEN / POOL

La procureure de la Cour pénale internationale a requis cette peine prison contre l'ancien vice-président congolais Jean-Pierre Bemba pour les meurtres et viols commis par sa milice en Centrafrique en 2002 et 2003.

"Une telle condamnation serait proportionnelle à la gravité des crimes commis par M. Bemba et à son degré de culpabilité", a affirmé Fatou Bensouda au terme de trois jours d'audience sur le sujet.

Si les juges écoutent le procureur, il s'agira de la peine la plus importante jamais décidée par la CPI. La défense, elle, demande entre 12 et 14 ans de détention. Une décision sera prise à une date ultérieure.

Le 21 mars, au terme d'un procès ouvert en novembre 2010, la CPI avait reconnu l'ancien chef rebelle du nord de la République démocratique du Congo (RDC) coupable de cinq crimes de guerre et crimes contre l'humanité, en vertu du principe de la "responsabilité du commandant".

Ce jugement était également le premier de la Cour à avoir condamné le recours au viol comme un crime de guerre.

Selon l'accusation, il existe deux grandes circonstances aggravantes qui doivent être prises en considération : les crimes ont été commis contre des "victimes particulièrement vulnérables" et avec "une cruauté toute particulière", a affirmé Jean-Jacques Badibanga, un représentant du bureau du procureur.

En octobre 2002, quelque 1.500 hommes de la milice de M. Bemba, le Mouvement de libération congolais (MLC), s'étaient rendus en Centrafrique pour soutenir le président Ange-Félix Patassé, victime d'une tentative de coup d'Etat menée par le général François Bozizé.

Jusqu'en mars 2003, les troupes du MLC y avaient tué, pillé et violé.

'A des milliers de kilomètres'

"M. Bemba n'a pas participé à ces crimes, il n'était même pas dans le même pays", a affirmé l'avocat de la défense, Peter Haynes. "Sa culpabilité vient du fait qu'il n'a pas réussi à contrôler une petite partie de ses troupes à des milliers de kilomètres".

Lors du procès, M. Haynes avait argué que M. Bemba n'avait émis aucun ordre envers ses troupes en Centrafrique mais les juges ont estimé que l'ancien vice-président, alors en brousse dans le nord-ouest de la RDC, était bel et bien "en contact constant" par téléphone, radio ou téléphone satellite.

La défense a présenté mercredi M. Bemba comme un homme de paix, devenu pour beaucoup un "croque-mitaine" : "cette image est aussi éloignée de la réalité que l'était l'homme des événements pour lesquels nous sommes ici aujourd'hui".

Minimisant la possibilité d'un retour en politique de M. Bemba, Peter Haynes a demandé aux juges de prendre en compte différentes circonstances atténuantes, comme le fait que son client ait déjà passé huit ans en détention ou que ses enfants aient grandi sans leur père.

Jean-Pierre Bemba, dont le procès a été entaché d'accusations de subornation de témoins, a écouté les arguments des uns et des autres de manière impassible, avachi sur sa chaise.

Devenu depuis lors le deuxième plus gros parti d'opposition à l'Assemblée nationale congolaise, le MLC a affirmé que la justice de la CPI était "sélective et discriminatoire". "Il ne s'agit que du réquisitoire du procureur", a réagi la secrétaire du MLC, Eve Bazaïba.

Depuis sa fondation, la CPI a condamné deux personnes, à 14 et 12 ans de détention pour enrôlement d'enfants soldats et complicité dans l'attaque d'un village, respectivement.

Riche homme d'affaires devenu chef de guerre, Jean-Pierre Bemba a été de juillet 2003 à décembre 2006 l'un des quatre vice-présidents du gouvernement de transition de Joseph Kabila en RDC. En 2006, il avait perdu au second tour de l'élection présidentielle contre ce dernier, puis s'était installé en Europe. Arrêté à Bruxelles en 2008, il a déjà passé huit années en détention.

Avec AFP