Crash en Egypte : la compagnie Metrojet rejette toute responsabilité

Des experts militaires égyptiens examinent l’un des fragments de l’avion russe qui s’est écrasé samedi dans le Sinaï avec 224 personnes à bord - 1 novembre 2015.

Seul un facteur "extérieur" peut expliquer le crash de l'Airbus A321 qui s'est écrasé en Egypte samedi matin. C’est ce qu’a affirmé lundi la compagnie russe qui exploitait l'appareil, rejetant la possibilité d'une erreur de pilotage ou d'une défaillance technique.

Les causes de la chute samedi d'un A321 en Egypte restent mystérieuses mais, en Russie, les soupçons se sont rapidement orientés vers Metrojet, modeste compagnie charter qui fait figure de coupable désigné et a dû monter au créneau pour défendre sa réputation.

A Washington, le chef du renseignement américain James Clapper a indiqué lundi qu'il n'y avait "pas de signe pour l'instant" qu'un acte terroriste était à l'origine du crash.

Dès l'annonce de la pire catastrophe aérienne de l'histoire de la Russie, médias, élus et autorités russes ont montré du doigt cette compagnie créée en 1993 et classée 19e en Russie pour le nombre des passagers transportés.

Les autorités ont aussitôt ouvert une enquête judiciaire pour mettre au jour d'éventuels manquements, avec des perquisitions et plus de cent interrogatoires, tout en précisant que tous les documents de la société Kogalymavia à laquelle Metrojet appartient étaient en règle.

"Metrojet avait une bonne réputation dans le secteur touristique, travaille avec ses principaux agents et les avis sont positifs", assure à l'AFP Alexandre Barzykine, vice-président de l'Union russe des voyagistes.

La Russie a longtemps eu une réputation peu reluisante en termes de sécurité aérienne. Ces dernières années, plusieurs accidents ont impliqué soit des appareils en fin de vie, soit de conception soviétique soit récupérés auprès d'autres compagnies de pays émergents peu réputés pour la rigueur de leurs contrôles.

Malgré la revendication du groupe Etat islamique et certains éléments semblant accréditer l'hypothèse d'un attentat (dislocation en l'air, débris éparpillés, etc.), Metrojet a dû lundi défendre devant la presse aussi bien le sérieux de son personnel que l'état de ses avions.

"Nos appareils sont en bon état de marche et le niveau de nos pilotes correspond aux normes internationales, voire plus", a insisté sa porte-parole Oxana Golovina.

Mais la compagnie a tout du suspect idéal. Elle a déjà fait parler d'elle en 2010 lorsqu'un Tupolev qu'elle exploitait alors s'est brisé au moment d'un atterrissage en Iran, faisant des dizaines de blessés, ou l'année suivante lorsqu'un autre Tupolev a pris feu au sol dans le nord de la Russie, provoquant la mort de trois personnes.

L'Airbus qui s'est écrasé samedi volait depuis 18 ans, une durée qui n'a rien d'inhabituelle, mais qui a été suffisante pour le faire passer sous plusieurs pavillons, de la compagnie libanaise MEA à la Saoudienne Saudi Arabian Airlines.

Problème de taille ?

Pour le grand public, l'entreprise paraît d'autant plus suspecte qu'elle se spécialise dans les vols charters vers les destinations touristiques de masse (Egypte, Turquie et Espagne), ce qui l'expose particulièrement aux plaintes de passagers mécontents du service et alimente toujours des soupçons de chercher à économiser à tout prix... y compris sur la sécurité.

"La compagnie avait des problèmes de ponctualité (...) mais des retards ne veulent pas dire des problèmes de sécurité, au contraire", rappelle Oleg Panteleïev, rédacteur en chef du site internet spécialisé Aviaport.ru. En outre, rappelle cet expert interrogé par l'AFP, charters ou vols réguliers, "les exigences sont absolument les mêmes du point de vue de la sécurité".

Pour ne rien arranger, l'inspection du travail a révélé que Kogalymavia avait deux mois de retard dans le paiement des salaires. Sa porte-parole a démenti tout problème financier de nature à affecter la sécurité et mis en cause la conjoncture économique.

Les compagnies russes sont en effet confrontées à une chute du trafic international liées à la récession, ainsi qu'à une hausse des coûts (kérosène, location, crédit) causée par l'effondrement du rouble. Le numéro deux du secteur Transaero vient d'être cloué au sol en attendant une possible mise en faillite.

Le responsable parlementaire russe Alexeï Pouchkov a de son côté relevé que les accidents concernaient souvent des compagnies charters exploitant moins de dix appareils (neuf pour Metrojet avant le crash). "Ces compagnies cherchaient à dégager les plus gros bénéfices possibles avec des coûts moindres".

Jean-Paul Troadec, ancien directeur du BEA (experts français), reconnaît qu'"il est plus facile de respecter des règles de sécurité extrêmement strictes quand on dispose d'une flotte importante où on peut harmoniser le niveau de formation des pilotes, leur expérience, la maintenance, que lorsqu'on a affaire à une petite compagnie".

Il relève cependant que "le parc aérien russe s'est beaucoup modernisé".

Metrojet n'exploite ainsi plus de Tupolev comme ceux impliqués dans le passé dans des accidents, à l'image des grandes compagnies russes qui se débarrassent progressivement de leurs Iliouchine, Yakovlev et Antonov.

Avec AFP