Contestation sociale en Tunisie : le Premier ministre appelle à la patience

Le Premier ministre tunisien et son gouvernement lors d'un conseil des ministres extraordinaire, le 23 janvier 2016 à Carthage. (AP Photo/Riadh Dridi)

Aucune mesure concrète n'a été annoncée par le Premier ministre samedi, après un conseil des ministres extraordinaire consacré à la contestation sociale qui secoue la Tunisie depuis plusieurs jours.

Le Premier ministre Habib Essid a appelé samedi 23 janvier à la "patience" après une semaine d'une contestation sociale inédite depuis la révolution de 2011 en Tunisie. Il n'a toutefois pas sans annoncé de mesures concrètes pour s'attaquer aux problèmes persistants du chômage et de la corruption.

Après plusieurs jours d'affrontements entre manifestants et policiers, qui ont poussé les autorités à déclarer un couvre-feu national nocturne pour une durée indéterminée, la vie a repris son cours dans plusieurs villes.

Malgré un possible risque d'une nouvelle escalade, Habib Essid n'a annoncé aucune mesure à l'issue d'un conseil des ministres extraordinaire, exhortant ses compatriotes à "comprendre qu'il y a des difficultés (...). Les solutions existent mais il faut un peu de patience et d'optimisme".

Il a expliqué que le pays était "en danger malgré les choses positives que nous avons accomplies, surtout au niveau de la transition démocratique", en évoquant de nouveau les défis "sécuritaire, économique et social".

Pas de "baguette magique"

Le Premier ministre, qui a dit la veille ne pas avoir de "baguette magique pour donner de l'emploi à tout le monde en même temps", a souligné que le conseil des ministres resterait mobilisé pour étudier la situation dans le pays, qui fait figure de rescapé du Printemps arabe sans parvenir à s'extirper du marasme économique.

L'analyste Selim Kharrat a jugé ces déclarations plutôt décevantes, se disant "pas étonné" de l'absence d'annonces.

"Si le gouvernement avait des solutions à proposer, il l'aurait fait bien avant l'éclatement de la crise. Il ne faut pas oublier que sa marge de manoeuvre est très réduite", a-t-il dit à l'AFP.

Mais il "aurait pu prendre des mesures non coûteuses" contre la corruption et a "raté une occasion de donner un signal positif", a ajouté M. Kharrat. "Ce que réclament les manifestants, c'est non seulement du travail mais aussi des dirigeants intègres et au service des populations."

Le calme revient Kasserine

Samedi, un calme relatif régnait dans les villes ayant été le théâtre ces derniers jours de violences, selon des correspondants de l'AFP.

A Kasserine, dans le centre défavorisé du pays d'où est parti le mouvement de contestation, la vie a repris son cours. La veille, des habitants, dont de nombreux jeunes, avaient lancé une campagne de nettoyage des traces des heurts.

A Sidi Bouzid - berceau de la révolution tunisienne -, non loin de là, quelques lycéens ont mis le feu à des pneus mais il n'y a pas eu d'autres incidents.

Les tensions sociales ont débuté le 16 janvier à Kasserine, lorsqu'un chômeur de 28 ans, Ridha Yahyaoui, est mort électrocuté après être monté sur un poteau. Il protestait avec d'autres contre son retrait d'une liste d'embauches dans la fonction publique.

La contestation s'est rapidement propagée.

Couvre-feu

Vendredi soir, dans une allocution télévisée, le président Béji Caïd Essebsi a reconnu que la contestation était "naturelle" et appelé le gouvernement à élaborer un plan contre le chômage.

La nuit précédente, dans certaines villes, des postes de police avaient été incendiés et des "saccages" s'étaient produits dans une banlieue populaire du Grand Tunis.

Pour toute la journée et la nuit de vendredi, 261 personnes ont été arrêtées pour troubles et 84 pour violation du couvre-feu, a indiqué le ministère de l'Intérieur.

Après ces violences, les autorités ont décrété un couvre-feu nocturne, arguant du "danger" que représentait la poursuite des "atteintes contre les propriétés publiques et privées (...) pour la sécurité de la patrie et des citoyens".

Le chef de l'Etat a mis en garde contre la récupération de la contestation par "des mains malveillantes", évoquant des partis politiques sans les nommer ainsi que le groupe jihadiste Etat islamique (EI), qui a revendiqué les trois attentats meurtriers majeurs ayant frappé la Tunisie en 2015.

La France a de son côté annoncé un plan de soutien à la Tunisie d'un milliard d'euros sur cinq ans, visant "à aider les régions défavorisées et la jeunesse, en mettant l'accent sur l'emploi".

Avec AFP