Cultiver sans assoiffer la Terre, un défi

Des femmes à la recherche d'eau, Kotli, Pakistan, le 8 mai 2008

Rationaliser l'usage de l'eau pour la production des aliments, au moment où la Terre a plus soif que jamais : spécialistes et hommes politiques se penchent sur la question au deuxième jour du Forum international de l'eau à Brasilia.

Au lendemain de la publication d'un rapport inquiétant de l'ONU selon lequel 5,7 milliards de personnes pourraient manquer d'eau d'ici 2050, l'agriculture doit apprendre à être moins gourmande dans ce domaine.

Pour cela, la technologie apporte une aide précieuse, avec des systèmes d'irrigation intelligents, des drones, des satellites ou encore des engins agricoles connectés à des bases de données. L'idée est de tirer parti de chaque goutte d'eau au moment de cultiver la terre.

Parfait exemple de cette préoccupation: le Brésil, pays-hôte de cette 8e édition du Forum, qui réunit 40.000 personnes dont une quinzaine de chefs d'Etats, 300 maires de villes du monde entier, plusieurs dizaines de scientifiques et de militants écologistes.

Le géant latino-américain, un des premiers fournisseurs au monde d'aliments, consacre ainsi plus de 50% de l'eau des fleuves et des lacs au secteur agricole.

"Nous voulons réduire cette quantité, développer des plantes plus efficaces, améliorer les systèmes de production et créer des équipements plus efficaces", explique à l'AFP Mauricio Lopes, président d'Embrapa, l'institut national de recherche agricole.

"Il y a un boom dans les pratiques de gestion de l'eau pour économiser cette ressource, et aussi dans la génétique végétale", ajoute-t-il, et "cette révolution est déjà là".

Au Forum, M. Lopes a participé à une table ronde sur la façon dont est consommée l'eau disponible: l'"eau bleue", celle des réserves naturelles comme les lacs, source traditionnelle d'irrigation des cultures, et l'"eau verte", captée dans les sols et les bois.

- L'agriculture se défend -

"A un moment où nous sommes sous une pression permanente sur la quantité d'eau disponible, il est important de faire tout notre possible pour utiliser ces ressources de la manière la plus efficace", a souligné lors de cette table ronde Claudia Sadoff, directrice de l'Institut international de gestion de l'eau, dont le siège est au Sri Lanka.

"Il y aura des endroits où l'arrosage traditionnel sera essentiel et très efficace et d'autres où l'eau des sols et dans les biomasses sera la meilleure option. C'est un sujet auquel nous devrons plus prêter attention à l'avenir", a-t-elle averti.

L'autre aspect de la relation complexe entre l'usage de l'eau et la production d'aliments est l'impact provoqué sur l'environnement.

M. Lopes souligne que le Brésil, pays à la plus riche biodiversité au monde et dont le territoire abrite près de 18% de l'eau potable de la planète, a "encore" 66% de son territoire couvert de plantes indigènes.

"Il est très important de discuter le lien entre l'eau, la nature et les aliments. Le Brésil est un pays extrêmement divers, il y a six biomasses, nous avons des zones très sensibles et pour maintenir cette richesse biologique, il faut de l'eau", souligne cet agronome.

"Nous devons mener une gestion intelligente de la ressource de l'eau pour ne pas perdre (cet) équilibre", ajoute-t-il.

Préserver l'eau n'empêche pas de veiller aussi aux agriculteurs: la ministre espagnole de l'Agriculture, Isabel Garcia Tejerina, a ainsi évoqué l'usage de la technologie comme moyen de revitaliser le monde rural, essentiel pour la fabrication d'aliments.

"Nous sommes en train de mettre en place un programme ambitieux de couverture d'internet à large bande par voie satellitaire dans toute l'Espagne, comme une manière d'avoir une campagne plus connectée. C'est un point crucial pour donner les mêmes opportunités aux jeunes agriculteurs et pour qu'ils restent dans les zones rurales", a-t-elle expliqué.

Le tout-puissant secteur agro-industriel brésilien, critiqué par les défenseurs de l'environnement pour sa rsponsabilité dans la déforestation, a saisi l'occasion du Forum de Brasilia pour assurer sa défense.

"Nous voulons profiter de ce moment pour démythifier ces sujets et prouver que le producteur rural prend soin de l'eau et de la terre plus que personne, car au final, s'il détruit les sources d'eau, il détruira son propre patrimoine", a plaidé le président de la Confédération d'agriculture et de pêche (CNA), Joao Marins, en dévoilant un nouveau programme d'irrigation.

Avec AFP