Au Tchad, le peuple est "prêt pour le changement", selon Nadjo Kaina, leader de la société civile

Les quatre leaders de la société civile ( de gauche: Nadjo Kaïna, Narmadji Céline, Mahamat Nour Ibedou et Younouss Mahadjir) condamnés à quatre mois avec sursis.

Nadjo Kaina est l'un des quatre leaders de la société civile tchadienne condamnés le 14 avril à quatre mois de prison avec sursis pour avoir voulu organiser des marches pacifiques en faveur d'une alternance politique.

Depuis sa libération après trois semaines de détention, le porte-parole d'Iyina (On est fatigués, en arabe) se dit constamment filé par la police du régime d'Idriss Déby Itno, au pouvoir depuis 26 ans et qui s'est présenté pour un 5è quinquennat à la présidentielle du 10 avril.

Les résultats du scrutin ne sont pas encore connus.

Votre libération, qui intervient après le premier tour de la présidentielle, vous surprend-elle?

Non, depuis notre arrestation les pressions nationales et internationales contre le régime venaient de partout, dans un contexte de grève générale dans l'administration, les hôpitaux, l'éducation nationale.

Le pouvoir est dos au mur, il était obligé de nous libérer. La condamnation avec sursis m'a plutôt surpris, mais tout cela est purement politique. Le régime est aux abois et veut faire taire la société civile.

Quelles ont été vos conditions de détention?

Nous nous sommes préparés psychologiquement à tout affronter, j'ai déjà été emprisonné trois semaines en août 2015, en tant que président national des étudiants, pour avoir participé au mouvement de protestation concernant le non paiement des bourses.

Nos conditions n'étaient pas mauvaises par rapport à la normale. Mais nous avons refusé toute nourriture, même l'eau, ne provenant pas de nos familles, ce régime est capable de tout.

Comment voyez-vous la suite? Une condamnation avec du sursis constitue une réelle menace pour vos actions futures.

Le régime de Déby vit ses dernières heures, le train du changement est en marche. Toutes les divisions anciennes Nord/Sud, chrétiens/musulmans sont effacées. Le succès sans précédent de la journée "Ville morte" du 26 février est un signe que le peuple tchadien est prêt pour le changement.

Si Déby tente de confisquer le pouvoir, le peuple s'exprimera par tous les moyens. La terreur, c'est fini.La population est trop pauvre, elle souffre. Avec le pétrole, le Tchad a engrangé d'énormes ressources financières, il aurait dû décoller économiquement.

Mais le salaire minimum est à 60.000 FCFA (95 euros) alors qu'un sac de farine de maïs en coûte la moitié! Il y a des fils de dignitaires millionnaires à l'âge de 17 ans et des gens qui en sont réduits à boire l'eau du fleuve.

(propos recueillis par Jean-Pierre Campagne, AFP)