Angola : un gourou jugé pour la mort de policiers lors d'un raid sanglant contre sa secte

José Julino Kalupeteka, gourou de la secte Lumière du monde.

Julino Kalupeteka, chef de la secte évangélique illégale "Lumière du monde", est jugé à partir de lundi en Angola pour avoir tué neuf policiers lors d'un raid controversé visant à l'arrêter.

Le gourou angolais Julino Kalupeteka, chef de la secte évangélique illégale "Lumière du monde", est jugé à partir de lundi 18 janvier pour les homicides de neuf policiers en 2015 lors d'une opération des forces de sécurité visant à l'arrêter. Cette intervention avait tourné au "massacre", selon l'opposition.

L'opération, dont les détails restent extrêmement sommaires, s'était officiellement soldée par la mort de 22 personnes (13 civils et 9 policiers). Un chiffre contesté par l'opposition qui a avancé un bilan de 1 080 morts.

Julino Kalupeteka, 54 ans, est jugé avec une douzaine de fidèles. Plusieurs membres de sa secte ont déjà été condamnés, notamment un jeune homme qui a écopé de 20 ans de prison pour homicide la semaine dernière.

Le procès de Julino Kalupeteka se tient à Huambo (centre-ouest), capitale de la province du même nom où s'était joué le drame du 16 avril 2015.

Ce jour-là, la police lance une opération à São Pedro Sumé, localité difficile d'accès dans la montagne. Objectif : arrêter Julino Kalupeteka, qui a annoncé la fin du monde pour 2015 et vit reclus avec quelque 3 000 fidèles, membres de sa secte non reconnue par les autorités angolaises.

Luanda lui reproche de perturber l'ordre public : la secte "Lumière du monde", branche de l'Eglise adventiste du Septième Jour, incite notamment les fidèles à retirer leurs enfants de l'école, avait accusé la secrétaire d'Etat à l'Education, Ana Paula Inês, quelques jours avant le drame.

Mais pour les médias locaux indépendants et l'opposition, le gouvernement voit dans cette secte un contrepouvoir qui prend de l'ampleur.

Zone interdite d'accès

Le 16 avril 2015, rien ne se passe comme prévu. La garde rapprochée du gourou s'interpose pour protéger son guide spirituel, selon la police. L'armée est appelée en renfort.

Les détails de la suite de l'intervention restent très flous, faute d'informations de sources indépendantes.

Les autorités parlent d'affrontements violents qui durent plusieurs heures et se soldent par la mort de 9 policiers et 13 civils "qui ont ouvert le feu".

L'opposition et la société civile dénoncent elles un "massacre". Le principal parti d'opposition, l'Unita, avance le nombre de 1 080 personnes tuées.

"La population a été victime de persécutions, d'enlèvements et de chasses à l'homme visant des citoyens sans défense, membres ou non de la secte Lumière du monde", accuse l'Unita.

Durant une semaine, le lieu du drame est totalement bouclé, rendant impossible toute enquête indépendante. Des hélicoptères de l'armée survolent la zone, alimentant les spéculations sur la volonté du gouvernement de cacher la vérité.

En mai, le Haut Commissariat des Nations unies aux droits de l'Homme exhorte les autorités angolaises à conduire une enquête "sérieuse, indépendante et minutieuse". Une demande très mal perçue par Luanda qui demande à l'ONU "de fournir des preuves" ou des "excuses officielles".

Début juin, l'opposition divulgue une vidéo filmée en caméra cachée et présentée, selon elle, comme une preuve de l'opération sanglante menée par les forces de sécurité : on y voit des policiers marcher parmi des corps et l'un d'eux demander ce qu'"ils doivent faire des cadavres". La vidéo est relayée notamment par les médias portugais, mais le gouvernement angolais réfute l'authenticité de ces images.

L'affaire Kalupeteka a également eu des conséquences politiques : elle a ravivé les tensions entre les deux principaux partis qui se sont livré une longue guerre meurtrière, de l'indépendance de l'Angola en 1975 jusqu'à 2002.

Le gouvernement, dirigé d'une main de fer par le Mouvement populaire de libération de l'Angola (MPLA), reproche à l'Unita d'utiliser l'affaire pour déstabiliser le pays.

Le procès du gourou se tient alors que l'Angola, deuxième producteur d'or noir de l'Afrique, est frappé de plein fouet par la baisse des cours du pétrole. Selon des observateurs internationaux, le gouvernement angolais a musclé sa répression depuis le début de la crise en 2015.

AFP