A Mayotte, le nombre d'enfants non scolarisés atteint des records

Le système scolaire mahorais ploie sous l'accroissement démographique, dû notamment à l'immigration venue des autres îles de l'archipel.

Dans l'archipel des Comores, à Mayotte, le 101e département français, les enfants non scolarisés sont de plus en plus nombreux. Selon les estimations, ils seraient entre 5.000 et 15.000.

Autour d'une grande feuille étalée au sol, quatre enfants s'affairent, pinceau à la main. Ils sont accueillis tous les jours par une association qui œuvre pour l'accès à l'éducation à Mayotte, où les mineurs non scolarisés sont toujours plus nombreux.

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Combien sont-ils ? En cette rentrée, la Défenseure des droits s'est inquiétée de voir leur nombre "estimé à plus de 15.000" dans le 101e département français, dans l'océan Indien. Une étude menée par un chercheur de l'université Paris-Nanterre les évalue entre 5.000 et 10.000.

"La réalité est qu'on ne sait pas trop les compter ni comment on les compte", confie à l'AFP le recteur de l'académie de Mayotte, Jacques Mikulovic. "Les chiffres sont basés sur les estimations de population. Mais nous ne savons pas exactement combien nous sommes...", ajoute-t-il.

L'Insee estime à 310.000 habitants la population du département le plus pauvre de France au 1er janvier dernier. Le système scolaire mahorais ploie sous l'accroissement démographique, dû notamment à l'immigration venue des autres îles de l'archipel.

Située entre Madagascar et la côte est-africaine, l'île appartient géographiquement à l'archipel comorien mais s'est séparée des Comores en 1974 à l'issue d'un référendum où les trois autres îles ont choisi l'indépendance. Le centre hospitalier de Mayotte a enregistré en 2022 un nouveau record de naissances, avec plus de 10.700 nouveau-nés.

"Dans trois ans, tous ces enfants iront en petite section. Mais les bâtiments, le personnel n'arrivent pas à suivre", relève Tanguy Mathon-Cécillon, chargé de recherche en démographie à Paris-Nanterre. En petite section, le rectorat estime à 6.000 le nombre d'élèves pris en charge, entre les enfants inscrits à l'école et ceux qui sont dirigés vers d'autres dispositifs.

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"Nous sommes loin des 10.000 enfants qui naissent chaque année sur le territoire. On a perdu la trace de près de 4.000 enfants...", constate le recteur. Il revient aux parents d'inscrire leurs enfants à la mairie ou de s'adresser aux associations lorsque les places manquent à l'école. Mais les familles sont parfois mal informées, ou absentes.

Dispositifs adaptés

Les associations Mlezi Maore, Les Apprentis d'Auteuil ou Le Village d'Eva reçoivent une partie des enfants qui se retrouvent en dehors du système scolaire. "En 2022, nous avons vu passer 844 enfants", raconte Sébastien Denjean, directeur du Village d'Eva, qui compte 11 salariés et 19 jeunes en service civique sur quatre sites.

Dans celui de Combani, au centre de la Grande-Terre, les 3-6 ans sont accueillis tous les jours. "On essaye d'appliquer la méthode Montessori, la pédagogie par l'éducation sensorielle", décrit le directeur.

Les plus grands se retrouvent dans une des salles de classe. Benwael, 9 ans, et Rouaida, 11 ans, en font partie. "Ma grand-mère attend toujours les vacances pour (nous) trouver une place à l'école", confie Benwael, qui vit aussi avec sa tante et ses cousins. Arrivé à Mayotte il y a deux ans et demi, il était auparavant scolarisé aux Comores.

Rouaida a elle aussi hâte de rejoindre une vraie école, même si elle se sent bien au Village d'Eva. "J'apprends à bien parler français, j'aime bien les mathématiques et puis on fait de la peinture, on joue", raconte la jeune fille, venue de Madagascar il y a un an.

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Ici, la totalité des enfants sont d'origine étrangère et en situation irrégulière. "S'ils n'ont pas de place à l'école, c'est aussi parce que certaines mairies demandent plus de justificatifs qu'il n'en faut et font traîner les dossiers. Parfois, les enfants ne sont même pas inscrits sur liste d'attente", regrette le directeur.

Le rectorat a lui aussi mis en place des dispositifs adaptés: classes hors les murs en maternelle à raison de 12 heures par semaine, remise à niveau en filière générale pour les élèves "décrocheurs" en fin de troisième...

Souvent, ces derniers "aimeraient aller en lycée professionnel, cela représente 50% des demandes, mais nous n'avons pas assez de place", regrette le recteur. Et il y a ceux, parfois seuls, souvent en déshérence, qui ne s'intègrent dans aucun dispositif. "Certains savent aussi qu'au regard de leur statut administratif, aller étudier ne changera rien", relève le recteur.