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En première ligne, les jeunes Burkinabè se mobilisent contre l'excision


Amran Mahamood, qui gagne sa vie depuis 15 ans en excisant des jeunes filles, est assis à côté d'une fille le 19 février 2014 à Hargeysa. (Photo Nichole Sobecki /AFP)
Amran Mahamood, qui gagne sa vie depuis 15 ans en excisant des jeunes filles, est assis à côté d'une fille le 19 février 2014 à Hargeysa. (Photo Nichole Sobecki /AFP)

Le Burkina Faso, l'un des pays les plus touchés par l'excision, enregistre des progrès encourageants dans la lutte contre cette pratique néfaste. La mobilisation des jeunes, filles et garçons, s'avère un élément crucial dans cette dynamique positive.

L'excision est en baisse au Burkina Faso, de bons résultats obtenus grâce à l'engagement de l'Etat depuis plusieurs années, mais aussi à celui de jeunes, filles et garçons, qui se mobilisent contre ce "mal profond".

La violence des groupes jihadistes et ses conséquences sur les populations, menace cependant la tendance à la baisse dans ce pays sahélien de 23 millions d'habitants, en majorité des femmes. Il est l'un des 29 pays les plus touchés au monde par l'excision, selon l'Unicef, mais des progrès significatifs y ont été enregistrés depuis plus de 10 ans.

En 2010, 76% des jeunes filles et femmes de 15 à 49 ans en étaient victimes: onze ans plus tard, en 2021, elles n'étaient plus que 56%. Une baisse qui, dans une moindre mesure, concerne aussi les cas d'excision chez les enfants de 0 à 14 ans, passés de 13% en 2010 à 9% en 2021.

Bilal Sougou, le chef du programme protection de l'enfant à l'Unicef-Burkina, salue ces "importants progrès" liés à un "grand engagement politique des autorités". "A ce jour on a eu presque 400 cas de signalements d'exciseuses ou de gens qui ont pratiqué l'excision et ont été traduits devant les tribunaux", souligne-t-il.

Mais, note de son côté Roukiatou Sedgo, coordinatrice du projet "Vivre avec l'excision" qui répertorie les femmes excisées, "on a toujours des difficultés dans les régions du Nord, du Sahel et du Sud-ouest", parmi les plus touchées par la violence jihadiste.

"Porteurs de voix"

De nouvelles hausses de cas d'excison sont notées dans ces régions, liées aux déplacements de populations fuyant leurs localités en proie aux violences jihadistes qui frappent le Burkina Faso depuis 2015. Elles y ont fait quelque 20.000 morts et plus de deux millions de déplacés.

"Aujourd'hui dans des zones où on avait des acquis, on est en train de reculer car il y a des pratiques communautaires qu'on transfère avec le déplacement des populations", affirme M. Sougou. "Il y a une évolution des mentalités même si on a encore du chemin à faire: j'espère que d'ici 5 ans on aura réussi à réduire de moitié les chiffres actuels".

La forte mobilisation des jeunes devrait contribuer à atteindre cet objectif. Dans le centre du développement de l'enfant à Saaba, commune proche de Ouagadougou, une vingtaine de jeunes – filles et garçons – listent les conséquences de l'excision, citent des proches en ayant été victimes et s'engagent comme "porteurs de voix" des "survivantes de cette pratique à la peau dure".

"Nous avons besoin de l'aide de tous les adolescents pour lutter contre l'excision" qui peut conduire "à la perte de vie", lance Soutonnoma Pascaline Nitiema, éleve de 22 ans.

Pascaline se présente comme influenceuse et compte "utiliser les réseaux sociaux pour sensibiliser sur la pratique de l'excision, susciter le débat" et "dénoncer des cas". "J'ai remarqué que beaucoup de filles vivent avec ce mal mais ont du mal à en parler", remarque de son côté Tatiana So, élève de 19 ans dont la cousine a été victime de l'excision: "Je me suis rendu compte qu'elle n'était pas heureuse".

"Une partie de nous coupée"

Elle a alors "décidé de mener la lutte pour faire en sorte que dans ma communauté l'excision cesse en sensibilisant les parents, surtout les mamans".

"Porteur de voix, c'est un ambassadeur qui sert de relais au sein des communautés, qui va utiliser les réseaux sociaux pour sensibiliser sur les Mutilations génitales féminines (MGF) mais aussi dénoncer des cas", explique Roukiatou Sedgo. Le but est "de faire en sorte que demain on n'ait plus de survivantes de l'excision et qu'on réussisse à parvenir à zéro cas", ajoute-t-elle.

Mme Sedgo se décrit comme "une survivante de l'excision: je l'ai vécue quand j'avais 10-11 ans. J'étais déjà en âge de comprendre les choses et de savoir ce que c'était et qu'on venait de me faire mal". "Il y a un traumatisme avec lequel on vit: c'est qu'une partie de nous a été coupée. J'ai dit à ma famille que si j'avais su ce qu'on allait me faire, j'allais les dénoncer", poursuit la jeune femme aujourd'hui âgée de 31 ans.

"Dès ce moment, je savais que j'allais lutter contre cette pratique. J'ai d'ailleurs commencé la sensibilisation en famille, avec mes cousines et mes sœurs", assure-t-elle en se rejouissant que ses "petites sœurs n'ont pas été excisées". Pour elle, l'excision est "un mal profond qu'on fait à la femme" et aucune l'ayant subi "ne se sent heureuse aujourd'hui, même si on parle parfois de reconstruction du clitoris".

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