Dans un rapport publié lors de son 2ème Forum sur l'Afrique, qui s'est achevé jeudi soir à Praia, l'Organisation mondiale de la santé (OMS) chiffre à un coût astronomique la perte de productivité due aux maladies et épidémies qui frappent la population des 47 pays de la région.
Dans ce document intitulé "A Heavy Burden: The Productivity Cost of Illness in Africa" (le lourd fardeau du coût de la maladie pour la productivité en Afrique), l'OMS estime ces pertes à 2.400 milliards de dollars internationaux par an.
Le dollar international est une unité monétaire fictive qui a le même pouvoir d'achat que le dollar américain aux Etats-Unis, précise l'OMS.
Mais elle affirme que ce montant pourrait être réduit d'au moins un tiers en 2030 si les objectifs de développement durable liés aux conditions sanitaires étaient atteints.
Avec une centaine d'urgences sanitaires par an, les coûts explosent pour les Africains, dont les paiements directs par habitant sont passés de 15 dollars en 1995 à 38 dollars en 2014.
Selon l'OMS, chaque année 14 millions d'Africains basculent dans la pauvreté à cause de ces dépenses en augmentation constante. Pour y remédier, elle souhaite parvenir à une couverture santé universelle dans 80% des pays de la zone, où ce type de protection reste très faible, voire inexistant.
Un des obstacles est représenté par l'importance du secteur informel.
"Nous mettons tout en œuvre pour définir des stratégies de financement de la santé efficientes pour réduire le paiement direct des frais de santé et accéder à la couverture santé dans des pays où une grande partie de la population est engagée dans le secteur informel de l'économie - à l'instar du Cameroun, du Bénin ou de la Côte d'Ivoire", a déclaré la directrice régionale de l'OMS, Matshidiso Moeti.
En Tanzanie, par exemple, la majorité des 30% de citoyens protégés par une assurance maladie sont des salariés de l'Etat et du privé.
Au Kenya, où la plupart des hôpitaux publics manquent des infrastructures de base, le gouvernement a lancé un programme pilote de couverture santé universelle fonctionnant dans quatre de ses 47 provinces. Il devrait être étendu à l'ensemble du pays à l'horizon 2022.
Autre frein à l'élaboration d'une sécurité sociale universelle, le manque de ressources financières des Etats africains.
Au début des années 2000, les Etats de la région s'étaient engagés à consacrer au moins 15 % de leur budget aux dépenses de santé, mais seuls trois remplissaient cet objectif en 2016.
Au Niger, où 80% des habitants vivent en milieu rural, la majorité se soigne selon leurs moyens financiers dans des centres de santé publics ou privés. La gratuité des soins pour les enfants de 0 à 5 ans, les femmes enceintes et la césarienne, instituée en 2005, s'est essoufflée faute de moyens adéquats.
Les inégalités sociales sont criantes. Au Cameroun, la couverture santé ne concerne qu'une infime partie de la population. Les travailleurs des grandes entreprises publiques, des filiales de multinationales et leurs familles sont les seuls à bénéficier d'une véritable couverture sociale.
Les fonctionnaires et employés des forces armées, de la gendarmerie, de la police n'ont pas même accès à une couverture santé.
Quelques pays, comme le Rwanda ou le Cap-Vert, parviennent néanmoins à assurer à leur population une couverture universelle encourageante. Le Rwanda permet ainsi à ses 13 millions d'habitants de souscrire à une mutuelle de santé pour moins de trois dollars par an, dont la moitié est à la charge du gouvernement.
Au Cap-Vert, 40% de la population est couverte par une sécurité sociale protégeant ses sociétaires contre la maladie et le chômage.
Lors de la clôture du Forum, le ministre cap-verdien de la Santé, Arlindo do Rosario, s'est livré à un plaidoyer en faveur de la couverture universelle. "Il est possible que tous les Africains soient en meilleure santé. Nous nous engageons à faire de ce rêve une réalité", a-t-il dit.