M. Kabila a assuré que la publication de l'échéancier qui prévoit la tenue de la présidentielle au 23 décembre 2018 "conduit de manière irréversible vers l'organisation des élections".
Mais les catholiques congolais ont manifesté dimanche car il y a un an un accord était signé, sous l'égide des évêques, prévoyant des élections fin 2017 pour organiser le départ de M. Kabila, dont le mandat s'est achevé en décembre 2016.
Le président s'en est pris à ces manifestants, appelant à la "vigilance" afin de "barrer la route à tous ceux qui (cherchent à se) servir de prétexte des élections depuis quelques années, seraient tentés aujourd'hui de recourir à la violence pour interrompre le processus démocratique en cours et plonger le pays dans l'inconnu".
Le bilan provisoire de cette journée est de "huit morts dont sept à Kinshasa et un à Kananga", dans le centre du pays, selon une source onusienne. "Quatre-vingt-deux arrestations, dont des prêtres" ont eu lieu à Kinshasa et "41 sur le reste du pays", a ajouté cette source.
Dans un communiqué à New York, le secrétaire général de l'ONU, Antonio Guterres, a appelé "le gouvernement et les forces nationales de sécurité à faire preuve de retenue et à respecter les droits du peuple congolais aux libertés d'expression et de manifester pacifiquement".
Le patron de l'ONU "exhorte tous les acteurs politiques congolais à demeurer pleinement engagés à la mise en oeuvre de l'Accord politique du 31 décembre 2016 qui demeure l'unique voie viable devant mener à la tenue d'élections, à une alternance pacifique au pouvoir et à la consolidation de la stabilité en République démocratique du Congo", précise le communiqué.
La police congolaise a fait état de trois civils tués à Kinshasa, tandis que le gouvernement de la RDC annonçait un policier tué dans la capitale.
Les forces de sécurité congolaises ont réprimé des messes à coups de gaz lacrymogènes, et empêché des marches interdites après l'appel à manifester contre le pouvoir.
A Kananga, au Kasaï (centre), un homme a été tué par balles par des militaires qui ont ouvert le feu sur des catholiques, en marge d'une marche contre le président Kabila.
"Deux jeunes ont été tués à la paroisse Saint-Alphonse de Matete", dans l'est de Kinshasa, tandis qu'une autre personnes a été tuée dans la commune populaire de Masina, a déclaré le colonel Pierrot-Rombaut Mwanamputu, porte-parole de la police, à la télévision publique.
Trois morts par balles
A Kananga, au KasaÏ, dans le centre du pays, un homme a été tué par balles par des militaires qui ont ouvert le feu sur des chrétiens catholiques en marge d'une marche anti-Kabila dont le mandat a expiré depuis décembre 2016.
>> Lire aussi : Un mort par balles au Kasaï en marge d'une marche anti-Kabila
A Kinshasa, au moins une quinzaine de personnes ont été blessées, selon un décompte d’une équipe de l’AFP qui s’est rendue dans plusieurs paroisses.
Deux hommes ont été tués par balle devant l’église Sainte Alphonse à Matete à Kinshasa pendant que forces de sécurité dispersaient les manifestants pacifiques, exigeant départ de Kabila selon Ida Sawyer, directrice de Human Rights Watch en Afrique centrale.
Trois personnes ont été blessées par balles à la paroisse Don Bosco dans la commune de Massina, selon cette source.
Une dizaine d’autres personnes ont été blessés à la paroisse Saint-Joseph dans la commune populaire de Matonge. A la paroisse Saint-Dominique, un vicaire et une fidèle ont également été touchés, au visage et à au front.
La police a interpellé douze enfants de chœur catholiques à la sortie d'une paroisse du centre-ville.
A Lubumbashi (sud-est), deuxième ville du pays, deux personnes ont été blessées par balles quand les forces de sécurité ont ouvert le feu alors que les catholiques tentaient de manifester à la sortie d'une messe.
La police a également utilisé des gaz lacrymogènes et des jeunes ont répliqué par des jets de pierres. Quatre véhicules ont été incendiés et des pillages commis.
>> Lire aussi : En RDC, les catholiques veulent défier Kabila
Dans Kinshasa quadrillée par les forces de sécurité, la police a mené des opérations dans plusieurs paroisses, selon des témoignages recueillis par l'AFP.
Toute l'opposition et la société civile qui réclament le départ du président Kabila (46 ans) dès ce 31 décembre 2017 s'est jointe à l'appel ces marches, interdite par les autorités comme les précédentes manifestations.
Dans un pays majoritairement catholique où les habitants survivent avec moins de un dollar par jour, c'est en pleine prière au coeur des églises que les forces de sécurité ont fait irruption.
"Alors que nous étions en train de prier, les militaires et les policiers sont entrés dans l'enceinte de l'église et ont tiré des gaz lacrymogènes dans l'église" où se déroulait la messe, a déclaré un chrétien de la paroisse Saint-Michel, dans la commune de Bandalungwa, dans le centre de Kinshasa.
"Des gens sont tombés, les secouristes étaient en train de réanimer des vielles dames, mais le prêtre n'a pas arrêté de dire la messe, elle s'est poursuivi avec les chrétiens qui n'ont pas fui", a affirmé Chantal, une autre paroissienne.
A la cathédrale Notre-Dame du Congo, à Lingwala, quartier populaire du nord de Kinshasa, les forces de sécurité ont également tiré des gaz lacrymogènes à l'arrivée du leader de l'opposition Félix Tshisekedi.
A Kinshasa, les catholiques du "comité laïc de coordination" ont invité les fidèles à marcher, bibles, chapelets et crucifix à la main, après la messe de ce dimanche matin.
Ils demandent au président Kabila de déclarer qu'il ne sera plus candidat. Ils veulent aussi un "calendrier électoral consensuel" à la place de l’actuel, qui prévoit des élections le 23 décembre 2018 pour le remplacer, alors que son dernier mandat a pris fin le 20 décembre 2016.
Journalistes menacés
Les autorités congolaises ont coupé l'internet "pour des raisons de sécurité d’État" avant cette marche,
Au cours de la nuit, l'armée et la police se sont déployées massivement devant les paroisses de Kinshasa, la capitale aux quelque 10 millions d'habitants. L'armée et la police contrôlaient et fouillaient les véhicules.
De son côté, Kinshasa a affirmé avoir été informé d'une "distribution d'armes" destinée à déstabiliser le régime.
Une équipe de l'AFP a été menacée à Kinshasa par un officier congolais.
"Si vous ne videz pas les lieux, j'ordonne qu'on tire sur vous" , a lancé l'officier. "Presse ou pas, personne n'entrera. En plus vous êtes avec un Blanc, une race qui nous crée des problèmes. Si vous résistez, on va tirer", a-t-il ajouté.
Avec AFP