Le 1er juillet, des membres présumés d'un groupe de chasseurs dogons ont brûlé le village de Bombou, à l'est de Mopti, siège du gouvernorat, tuant 16 personnes et dispersant le reste des habitants, selon des associations peules.
Depuis l'apparition en 2015 dans cette région du mouvement du prédicateur radical peul Amadou Koufa, les tensions dégénèrent périodiquement en violences entre Peuls, traditionnellement éleveurs, et les ethnies bambara et dogon, pratiquant majoritairement l'agriculture.
>> Lire aussi : L'armée cible un groupe armé dogon au Mali
Responsable régional de Tabital Pulaaku, principale association peule du Mali, Hamsala Bocoum ne compte plus les missions d'apaisement auxquelles il a participé, en particulier à Koro, près de la frontière burkinabè, épicentre de ces violences communautaires.
"Chaque fois que ça se calme, ça reprend", soupire-t-il.
Quand il a assisté en mars à la rencontre de réconciliation entre dirigeants peuls et dogons à Koro --où le Premier ministre Soumeylou Boubeye Maïga s'est engagé à "désarmer de gré ou de force les milices"--, Hamsala Bocoum a cru à un tournant. "J'avoue, je pensais que c'était la fin des hostilités", confie-t-il à l'AFP.
Mais depuis, les exactions attribuées aux différents groupes communautaires, voire aux militaires maliens, se multiplient.
- Changement climatique -
Dans la cour ombragée de sa concession, d'où l'on entend le muezzin appeler à la prière, Toumassé Daniel Sogoba, un représentant de l'Eglise évangélique au sein de la société civile locale, s'étonne de voir s'envenimer aussi rapidement des relations multiséculaires.
"Je n'ai jamais pensé que mon pays, le Mali, pouvait connaître une telle situation, de massacres, Peuls contre Dogons, Bambaras contre Peuls, de guerre ethnique", avoue ce retraité de l'Education nationale.
"Chacune de ces ethnies a sa milice", souligne M. Sogoba, appartenant lui-même à la population minianka, présente dans le sud du pays.
"Brusquement, vous les voyez se faire la guerre, vous vous posez des questions", poursuit-il, évoquant des ingérences extérieures.
Le dérèglement climatique, avec le niveau historiquement bas du fleuve Niger, exacerbe les tensions entre éleveurs, agriculteurs, pêcheurs et exploitants forestiers, remarque le responsable de Tabital Pulaaku.
>> Lire aussi : L'insécurité aggrave la crise alimentaire au Sahel
Chaque année, une conférence régionale sur les "bourgoutières", ces champs fertiles du delta intérieur du fleuve, fixe les dates de traversée des troupeaux et de leur retour dans les pâturages, explique Hamsala Bocoum.
Avant, "chaque fois que les animaux revenaient de la transhumance, la moisson était déjà faite. Et ça se complète: l'animal vient, il fertilise, il passe", précise-t-il. "Mais ces derniers temps, quand l'animal vient, le cultivateur n'a pas encore récolté".
- "Campagne de déplacement ciblé" -
La menace jihadistes et les violences ethniques sont d'autant plus étroitement imbriquées que l'Etat a souvent utilisé comme supplétifs des groupes communautaires, tandis que les islamistes du centre du pays recrutent prioritairement parmi les Peuls.
"Il ne faut pas nier l'évidence, il y a des groupes jihadistes, et ces groupes sont peut-être majoritairement peuls", reconnaît Hamsala Bocoum, déplorant que "souvent les gens confondent jihadistes et Peuls".
Selon Corinne Dufka, directrice de Human Rights Watch (HRW) pour l'Afrique de l'Ouest, actuellement en mission au Mali, "les Peuls ont été chassés de plus d'une dizaine de villages de la région de Mopti au cours de ce qui ressemble à une campagne de déplacement ciblé par les milices dogons".
Non seulement l'armée n'intervient pas quand elle le pourrait, mais "il y a une dynamique de punition collective contre les Peuls qui a sapé la confiance en l'Etat et, dans certains cas, conduit des membres de cette communauté à rejoindre les rangs islamistes", ajoute-t-elle.
De leur côté, "les groupes islamistes semblent fomenter les tensions ethniques pour les exploiter", indique la responsable de HRW.
En perpétrant des "liquidations" de personnalités communautaires importantes, ils déclenchent des cycles de représailles "souvent très sanglantes, dont les jihadistes se servent ensuite comme instrument de recrutement" en proposant leur protection contre les milices, affirme-t-elle.
Par ailleurs, dans de nombreuses localités, les jihadistes ont établi des tribunaux islamiques vers lesquels se tourne une partie de la population, en raison des carences de l'Etat, selon des sources administratives locales et des habitants.
Ils ont reculé ces derniers mois face aux opérations militaires, mais "pendant la saison des pluies, il sera difficile pour l'armée de maintenir sa présence dans les zones inondées", prévient Corinne Dufka.
"Et lorsque les jihadistes reviendront, la population comparera leur gouvernance à celle de l'Etat malien. Une comparaison qui pourrait ne pas être favorable à l'Etat".
Avec AFP