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Covid-19 est à la fois féminin et masculin


Une bouteille de vaccin contre le Covid-19 en essai clinique, le 17 novembre 2020.
Une bouteille de vaccin contre le Covid-19 en essai clinique, le 17 novembre 2020.

Certains emploient le mot "Covid" au masculin "le covid"; d'autres l'utilisent au féminin, "la covid". Cela fait de ce terme un mot épicène, c'est-à-dire, qui peut être employé au masculin et au féminin sans variation de forme. En est-il réellement le cas?

Le mot de l'année 2020 est un nom mutant de maladie adoubé par des fonctionnaires internationaux, Toutefois, on n'arrive pas à se décider en français s'il faut employer le mot "Covid" au masculin et féminin.

"Nous linguistes, on attend en bons darwiniens que des deux formes l'une l'emporte sur l'autre", affirme Yannick Chevalier, maître de conférences à l'université Lumière de Lyon.

Ce terme, qui désigne l'affection provoquée par le virus SARS-CoV-2, qui a provoqué l'une des pires crises sanitaires que l'humanité ait jamais connues, avec des conséquences désastreuses, est venu au monde le 11 février 2020, par le biais d'un communiqué de l'Organisation mondiale de la santé. Cette maladie avait été découverte depuis plus d'un mois, à Wuhan (Chine), sans avoir d'appellation officielle partagée par tous.

"Le mot est constitué par le Comité international de taxonomie des virus, dont c'est le rôle de déterminer ces noms. Mais celui de Covid-19 est véritablement consacré par l'OMS", explique à l'AFP la linguiste Delphine Jouenne, qui a créé une agence de marketing.

Covid vient de l'anglais "COronaVIrus Disease" (maladie à coronavirus), le "19" précisant que la maladie est apparue en 2019. Et l'OMS, tout de suite, écrit "la COVID-19", au féminin, tout en majuscules.

C'est donc un acronyme étranger, conçu pour servir dans le plus de langues possible, et que le français n'adopte pas sans accroc. Sa typographie fluctue, entre "COVID" et "Covid". Son genre aussi va vite devenir incertain.

Le Québec féminise le mot "Covid"

Le terme "Covid" est d'abord masculin dans le langage courant: "le Covid-19" dans plusieurs pays comme la France; comme la plupart des mots importés qui ne sont pas clairement masculins ou féminins, à l'instar de bermuda, camping, goulag, karma, sauna, sushi, etc.

Le 6 mars, l'Office québécois de la langue française tranche en faveur du féminin. Tout comme le gouvernement fédéral canadien ensuite. "La désignation COVID-19 est de genre féminin, étant donné que le 'D' de 'COVID' désigne le mot de base 'disease' ('maladie' en français)", lit-on dans sa banque de données terminologiques. Puisque maladie est au féminin, le Québec décide de féminiser le terme "Covid".

Les autres pays francophones

La France, où le masculin s'est solidement implanté comme dans beaucoup de pays d'ailleurs, n'emboite pas tout de suite le pas au Québec. Toutefois, le 7 mai, l'Académie française met en ligne un article qui recommande de "dire la covid 19", mais sans trait d'union ni majuscule.

Dans les autres pays francophones, en Europe comme en Afrique, qui n'ont pas d'institution de normalisation du français, il y a eu un flottement.

En Suisse, Le Temps, journal de Lausanne, écrit mi-mai: "L'Académie française s'appuie sur l'exemple québécois pour plaider en faveur de 'la' Covid-19. Problème, en Europe francophone, l'usage 'du' Covid s'est imposé". Chez les institutions confédérales comme cantonales suisses, le masculin prime encore aujourd'hui.

En Belgique, certaines administrations préfèrent le féminin, comme le Service public fédéral de santé publique, d'autres le masculin, comme le ministère des Affaires étrangères.

La majorité des gouvernements en Afrique, dont la Côte d'Ivoire, le Sénégal ou les deux Congo, disent "le Covid". Mais celui du Mali "la Covid". Sur le site internet du gouvernement en Tunisie, les deux cohabitent.

Le Canada se distingue comme le seul pays où le féminin domine quasi exclusivement.

Chez les scientifiques et les médecins

Nous avons constaté que la majorité des médecins et des chercheurs ont emboité le pas au Canada et disent "la Covid". Tel est le cas de la professeure Francine Ntoumi, biologiste moléculaire et présidente de la Fondation congolaise pour la recherche médicale, à Brazzaville en République du Congo. Ainsi dit-elle lors de lors de ses interviews à la VOA. Idem pour le docteur Constantine Chienku, virologue et hématologue-oncologue pédiatre en Virginie, aux Etats-Unis.

Chez les écrivains

Certains emploient les deux genres. C'est le cas de Delphine Jouenne, qui publie "Un bien grand mot", sur les "mots de l'année". A travers leur ouvrage, Delphine Jouenne et Amélie Chabrol offrent une analyse des mots, de manière étymologique mais également dans leur sens usuel.

"Dans le livre j'ai dû mettre la Covid, parce qu'on peut difficilement faire un ouvrage sur la langue française en ignorant la norme de l'Académie. Mais je vous avoue qu'à l'oral je dis le Covid. Je suis l'usage, et tous les linguistes vous le diront: l'usage fait loi", raconte-t-elle.

D'après son confrère Yannick Chevalier, ce masculin a des chances de l'emporter en France. "Pour moi ça va être le Covid, parce que c'est comme ça que c'est arrivé. Le mot renvoie à une expérience traumatique, et quand un mot est chargé d'investissements affectifs aussi forts, on peut difficilement le changer".

Dans les médias

Certains utilisent le terme covid au masculin; d'autres, au féminin. VOA Afrique a décidé de continuer avec "le covid", même si "la covid" est aussi tolérée.

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