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Contestation au Soudan: la police disperse une marche vers la présidence


Manifestations antigouvernementales dans la banlieue de Khartoum, au Soudan, le 15 janvier 2019.
Manifestations antigouvernementales dans la banlieue de Khartoum, au Soudan, le 15 janvier 2019.

La police soudanaise a dispersé jeudi au gaz lacrymogène des centaines de manifestants qui marchaient vers la présidence en réclamant le départ d'Omar el-Béchir, quatre semaines après le début de cette contestation populaire.

D'autres rassemblements ont été organisés à Khartoum et ailleurs dans le pays, dans le cadre de ce mouvement déclenché le 19 décembre par une hausse des prix du pain et des médicaments, ainsi que par des pénuries dans ce pays en plein marasme économique.

Ces manifestations se sont ensuite transformées en rassemblements quasi quotidiens appelant au départ de M. Béchir, au pouvoir depuis 1989.

Alors que le mouvement approche de son premier mois, des centaines de Soudanais se sont rassemblés à la mi-journée dans le centre de Khartoum avant de se diriger vers le siège de la présidence au chant de "Liberté, paix, justice". Mais la police est aussitôt intervenue pour les disperser à l'aide de gaz lacrymogènes, selon des témoins.

Des groupes se sont ensuite reformés dans le quartier de Buri, où manifestants et policiers ont échangé jets de pierre contre tirs de gaz lacrymogènes, d'après d'autres témoins.

- Crainte de "violence accrue" -

Des images ont montré des protestataires blessés pris en charge par d'autres, sans qu'il soit possible de déterminer la nature précise de ces blessures.

Un autre rassemblement s'est déroulé à Bahari, dans le nord de la capitale, où des pneus ont été brûlés et des routes bloquées à l'aide de monticules de déchets, toujours selon des témoins.

Dès le matin, un important dispositif sécuritaire avait été mis en place le long de la route menant au palais présidentiel, selon un correspondant de l'AFP. Des véhicules militaires montés de mitrailleuses étaient stationnés à l'extérieur.

D'après des témoins, des manifestations ont aussi eu lieu à Port Soudan, Gadaref (est) et Atbara (250 km au nord-est de Khartoum), où les premiers rassemblements avaient eu lieu le mois dernier avant de se propager jusqu'à la capitale et au Darfour (ouest).

Depuis le 19 décembre, 24 personnes sont mortes, selon un bilan officiel. Les ONG Human Rights Watch et Amnesty International parlent d'au moins 40 morts, dont des enfants et du personnel médical.

Environ 1.000 personnes dont des militants, des opposants et des journalistes, ont été arrêtées, selon des groupes de défense des droits humains.

L'Association des professionnels, qui regroupe notamment médecins, professeurs et ingénieurs, est le fer de lance de ces manifestations.

"Nous appelons la communauté internationale à protéger les manifestants pacifiques alors que nous craignons une violence accrue des autorités", a déclaré jeudi son porte-parole, Mohamed al-Asbat, contacté par téléphone depuis Paris.

A Genève, la Haut-Commissaire de l'ONU aux droits de l'Homme, Michelle Bachelet, s'est dite "très préoccupée" par l'"usage excessif" de la force.

- Long chemin -

Pour les analystes, ce mouvement représente le plus sérieux défi pour M. Béchir depuis son arrivée au pouvoir en 1989 après un coup d'Etat soutenu par les islamistes.

Les manifestants, qui utilisent les réseaux sociaux pour s'organiser, scandent pour certains "le peuple veut la chute du régime", slogan du Printemps arabe de 2011.

Au-delà de la baisse des subventions pour le pain, le Soudan fait face à un grave déficit en devises étrangères. Les habitants sont confrontés à des pénuries régulières d'aliments et de carburants, tandis que les prix de certaines denrées subissent une forte hausse.

Pour Khartoum, les Etats-Unis sont à l'origine des difficultés avec leur sévère embargo imposé pendant 20 ans au Soudan (1997-2017) qui interdisait au pays de mener des activités commerciales et des transactions financières à l'international.

Les manifestants sont eux qualifiés de "comploteurs" par le président Béchir.

Cette protestation "ne conduira pas à un changement de pouvoir", a-t-il martelé lundi. "Il y a une seule voie vers le pouvoir, et c'est celle des urnes. Le peuple décidera en 2020", a dit M. Béchir, 75 ans, dont une troisième candidature à la présidentielle est pressentie.

Pour ses détracteurs, le chef de l'Etat est coupable d'une mauvaise gestion économique et de dépenser sans compter pour financer le combat contre plusieurs groupes rebelles du pays.

La sécession du Sud en 2011 a aussi privé le Soudan des trois quarts de ses réserves de pétrole et de l'essentiel des revenus de l'or noir.

En 1964 et 1985, des soulèvements populaires avaient mené en quelques jours à la chute du régime en place. Mais, cette fois, les militants ont encore un long chemin à parcourir, estiment les analystes.

"Pour l'instant, (Omar el) Béchir semble avoir la majorité des forces de sécurité de son côté", explique Willow Berridge, spécialiste du Soudan.

Son pouvoir pourrait survivre aux manifestations, juge aussi le centre de réflexion International Crisis Group (ICG). Mais "ce sera au prix de la poursuite du déclin économique, d'une plus grande colère populaire, de davantage de manifestations et d'une répression plus dure".

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