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Après l'EI, la peste et les mines guettent les habitants de Syrte


Les forces armées libyennes combattent les combattants de l'État islamiste, à Syrte, en Libye, le 19 juillet 2016.
Les forces armées libyennes combattent les combattants de l'État islamiste, à Syrte, en Libye, le 19 juillet 2016.

Les jihadistes étaient ces derniers mois acculés dans ce quartier qu'ils ont farouchement défendu, avant d'en être définitivement chassés le 5 décembre, quand les forces loyales au gouvernement d'union nationale (GNA) ont annoncé le reprise du contrôle total de la ville de Syrte conquise par l'EI en juin 2015.

A al-Giza al-Bahriya, dernier quartier repris au groupe Etat islamique (EI) à Syrte, la brise marine se mêle à l'odeur entêtante de la décomposition des cadavres ensevelis sous les décombres.

"Il ne faut pas venir ici. On craint une épidémie de peste", prévient sous son masque le commandant Ahmad Bala, ou "Al-Moutatawa", de son nom de guerre qui veut dire "le volontaire" en arabe.

Mais plus de deux semaines plus tard, les habitants de Syrte, ou du moins ceux dont les maisons sont encore debout, ne sont toujours pas autorisés à retourner chez eux.

"La situation à Al-Giza al-Bahriya ne permet pas aux habitants d'y revenir. Des dizaines de cadavres sont toujours sous les décombres. L'odeur est horrible et on risque d'attraper des maladies", explique à l'AFP le commandant Bala du haut de son 4x4.

Selon lui, les jihadistes de l'EI et leurs familles se sont réfugiés dans des tunnels pour échapper au bombardements. "Du coup, ils se sont trouvés coincés. Des hommes mais aussi des femmes et des enfants sont morts de faim et de soif sous les décombres", précise-t-il.

"Nous n'avons pas les moyens suffisants pour extraire les corps ni déminer la zone qui a été truffée d'engins explosifs" par l'EI, ajoute-t-il.

Amas de ferrailles

Non loin de là, trois cadavres entreposés dans des sacs noirs gisent sur la place centrale du quartier dans l'indifférence générale.

"Les (membres du) Croissant Rouge (libyen) les ont extrait il y a deux jours des décombres. Ils les ont mis ici et sont partis", explique Mohamed, un des combattants sur place. "Il ne faut pas leur en vouloir. Ils n'ont pas de moyens".

A des centaines de mètres à la ronde, il n'y a presque aucun bâtiment debout. Le quartier n'est désormais plus qu'un vaste amas de ferrailles et de béton. Des conteneurs bloquent les principales artères des secteurs résidentiels en bord de mer, les plus touchés par les combats, "pour empêcher les badauds de s'y approcher", a expliqué M. Bala.

La ville est toujours privée de réseau de téléphonie mobile et d'Internet sur un rayon d'une centaine de kilomètres.

Mais si la vie s'est arrêtée dans le centre de la ville, elle semble reprendre peu à peu son cours normal à al-Sabaa, une banlieue épargnée par les combats à l'ouest de la cité.

Dans ce quartier tristounet clairsemé de maisons grises faites de briques de béton non peintes, le silence est entrecoupé par les cris de jeunes, jouant au ballon dans un terrain de football improvisé, où deux cadres métalliques rouillées font office de cages de but.

Jeter l'éponge

"Ceci nous permet d'oublier un peu la situation difficile dans laquelle nous vivons depuis plusieurs mois", lance Salah Fathi, 28 ans, qui attend son tour pour jouer.

Ce jeune diplômé dit avoir quitté Syrte avec sa famille pour se réfugier chez des proches à Tripoli dès le début de l'offensive contre les jihadistes en avril. "Nous avons pu retourner chez nous il y a quelques semaines. Et on essaie depuis de reprendre une vie normale. Mais c'est difficile", ajoute-t-il.

Les habitants restent privés d'eau et de téléphone et ils doivent envoyer leurs enfants dans une école qui n'est pas la leur à plusieurs kilomètres de là, se plaint Al-Bachir Souissi Ahmad, 60 ans et père de dix enfants.

Selon lui, la grande majorité des 350 familles habitant à al-Sabaa sont rentrées chez elles, "après des mois de terreur sous l'EI". Syrte comptait 120.000 habitants avant sa prise par les jihadistes en 2015.

C'est surtout le rétablissement de l'électricité qui a encouragé les habitants de ce quartier à retourner chez eux, contrairement aux autres zones touchées par les combats.

"Nous faisons tout notre possible pour réparer les dégâts", affirme l'ingénieur Ahmad Dabour, en charge des travaux de réparation à la compagnie d'électricité.

Mais lui aussi se plaint du manque de moyens et se dit "sur le point" de jeter l'éponge. "Je ne pense pas que je vais rester longtemps. Nous n'avons pas assez de personnel et nous ne pouvons pas travailler dans un champ de mines", déplore-t-il.

Avec AFP

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