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Les détentions arbitraires révulsent les défenseurs des droits de l'Homme en RDC


Des défenseurs des droits de l’homme et des membres du mouvement Filimbi lors d’une conférence de presse à Kinshasa, 20 janvier 2018. (Facebook/Filimbi)
Des défenseurs des droits de l’homme et des membres du mouvement Filimbi lors d’une conférence de presse à Kinshasa, 20 janvier 2018. (Facebook/Filimbi)

Militants pro-démocratie, opposants, suspects : des dizaines de personnes sont détenues "au secret", sans avocat ni droit de visite, par les services de sécurité en République démocratique du Congo en cette période d'incertitude politique, dénoncent les défenseurs des droits humains.

L'avocat et les familles de cinq militants pro-démocratie, détenus depuis fin décembre, viennent de demander devant la presse leur libération ou leur comparution devant un "juge compétent".

D'après leur avocat, ces militants du mouvement Filimbi sont détenus à Kinshasa dans les prisons secrètes de l'Agence nationale de renseignements (ANR), l'un des piliers sécuritaires de la RDC. Certains ont été torturés et souffrent de problèmes de santé, affirment l'avocat et les proches.

Ils avaient été arrêtés parce qu'ils soutenaient la première marche des catholiques, le 31 décembre, demandant au président Joseph Kabila de s'engager à quitter le pouvoir.

>> Lire aussi : Cinq militants pro-démocratie transférés au parquet après plus de cinq mois au secret

Une militante de la Synergie des femmes à Goma (est), ancienne fonctionnaire, a aussi été transférée au siège de l'ANR à Kinshasa mi-mai après avoir été interpellée avec des journalistes qui venaient de rencontrer un groupe armé.

Au total "une centaine de personnes" sont détenues au secret dans tout le pays, d'après l'Association congolaise pour l'accès à la justice (ACAJ) qui parle de 17 détentions à l'ANR à Kinshasa et d'une cinquantaine dans le Nord et le Sud-Kivu.

Le bureau conjoint des droits de l'homme de la Mission des Nations unies au Congo (Monusco) ne donne pas de chiffres mais affirme: "Dans la plupart des cas, dès que nous commençons les plaidoyers, les gens sont transférés devant la justice ordinaire". Le plaidoyer a été vain jusqu'à présent pour les militants de Filimbi, reconnaît cette même instance.

"Les activistes de Filimbi font partie des centaines d'activistes pro-démocratie et défenseurs des droits humains, de journalistes et de dirigeants et partisans de l'opposition politique qui ont été arrêtés depuis 2015 (...). De nombreuses personnes ont été détenues au secret pendant des semaines ou des mois sans que des chefs d'accusation aient été formulés à leur encontre et sans accès à leurs familles ou à des avocats", dénonce l'ONG Human Rights Watch.

HRW et l'ACAJ rappellent qu'en vertu du droit congolais toute personne détenue a le droit à un avocat dans les 48 heures.

Les conditions de détention à l'ANR sont régulièrement dénoncées. "Nous étions sujets à des menaces quotidiennes de la part de certains agents de l'ANR. Ces derniers nous promettaient des fois la mort", a raconté à Jeune Afrique en 2016 l'activiste du mouvement citoyen Lucha Fred Bauma, détenu pendant 17 mois dont quelques temps à l'ANR.

"Les conditions de détentions sont très dégradantes et inhumaines", a témoigné à l'AFP un activiste qui y a séjourné plusieurs fois. Les détenus sont enfermés à dix dans des cellules délabrées où "ils dorment par terre".

Ils ont droit à cinq minutes matin et soir pour aller se laver et se rendre aux toilettes, avec un repas toutes les 24 heures, a-t-il ajouté.

- "Silence du gouvernement" -

"Il faut avoir les nerfs solides pour tenir", dit cet habitué du lieu, qui parle de "mort progressive" dans ces cellules.

Des lieux de détention existent aussi dans les locaux des services de renseignement militaires, selon l'avocat Papy Mbaki, qui affirme y avoir été détenu du 14 au 19 mars 2018.

"Ils m'ont arrêté parce qu'ils ont retrouvé des banderoles avec les effigies de Moïse Katumbi dans ma voiture à l'intérieur d'un camp militaire", a témoigné auprès de l'AFP cet avocat, faisant allusion à un opposant en exil, candidat à l'élection présidentielle.

"Le lendemain, j'ai été transféré au service de la Détection militaire des activités anti-patrie (Démiap, renseignements militaires), auditionné de 13 h à 22 h et accusé de vouloir politiser le camp militaire Kokolo. Ma première nuit à la Démiap, je l'ai passé dans une douche, puis dans un couloir avant d'être conduit dans une cellule de trois mètres sur trois avec 12 autres détenus", poursuit l'avocat.

"Je n'ai pas été victime de torture physique proprement dite mais plutôt morale: les conditions de détention étaient inhumaines", se rappelle Me Mbaki.

"Il n'y a pas de civils en détention", a affirmé à l'AFP un haut-responsable de la Démiap, qui accuse l'ACAJ d'être le porte-voix de Moïse Katumbi. L'ANR n'a pas donné suite aux sollicitations de l'AFP.

L'ACAJ dénonce le "silence du gouvernement face à cette situation troublante", peut-on encore lire dans l'une de ses lettres.

Interrogé par l'AFP, le porte-parole du gouvernement Lambert Mende n'a pas voulu réagir à ces allégations d'ONG.

Avec AFP

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