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Quand les bannières politiques s'invitent au stade


Des Catalans portent le drapeau de la Catalogne, le 2 novembre 2017.
Des Catalans portent le drapeau de la Catalogne, le 2 novembre 2017.

Soutenir l'indépendance de la Catalogne ou réclamer des ruines antiques "dérobées" par une puissance étrangère ? L'UEFA l'interdit et pourtant les matches de Ligue des champions, vitrines médiatiques sans égal, sont de plus en plus ciblés par certains supporters pour afficher des messages politiques.

Les fans de Tottenham vont-ils répliquer mercredi à l'injonction des ultras de l'Apoel Nicosie? Dans une énigmatique banderole au match aller de la phase de groupes, des supporters du club chypriote ont écrit fin septembre: "L'histoire ne peut être dérobée, rendez-nous les marbres!"

Une référence aux marbres d'Elgin, qui composent la majeure partie de la frise du célèbre Parthénon d'Athènes et sont entreposés à Londres dans le prestigieux British Museum depuis le début du XIXe siècle. Des vestiges toujours considérés, près de 200 ans plus tard, comme faisant partie du patrimoine héllène...

Un cas loin d'être isolé cette saison. Lors de la rencontre Barcelone-Olympiakos (3-1) fin octobre au Camp Nou, des supporters ultras catalans ont notamment déployé une banderole "Liberté pour la Catalogne" en pleine crise politique post-referendum d'autodétermination.

La mise en scène la plus spectaculaire reste toutefois l'oeuvre des ultras du Legia Varsovie avec le gigantesque tifo fin août lors du 3e tour préliminaire contre Astana, qui présentait un enfant menacé par un soldat de la Wehrmacht accompagné de la mention: "Lors de l'insurrection de Varsovie, les Allemands ont tué 160.000 personnes, dont de nombreux enfants".

Acte 'illicite' à la marge

Si de telles prises de position sont "assez à la marge" du fait de l'hétérogénéité et des positionnements "très variés" au sein du supportérisme européen, "certains groupes vont se servir d'une tribune comme un moyen de faire la publicité autour de revendications avec un effet loupe très fort", explique à l'AFP le sociologue Ludovic Lestrelin.

"L'adoption de symboles provocateurs d'un point de vue politique s'inscrit dans une rhétorique guerrière dans le but de choquer et de se donner une identité forte", complète l'universitaire Sébastien Louis, auteur du livre "Ultras, les autres protagonistes du football" (édition Mare et Martin).

Pour l'UEFA, de tels actes sont jugés "illicites" en vertu de son règlement qui interdit les "messages de nature politique, idéologique, religieuse, injurieuse ou provocante" dans ses compétitions.

A l'image du Celtic Glasgow, épinglé en 2016 par l'instance à cause d'une dizaine de drapeaux palestiniens brandis par ses supporters lors d'un match de barrage contre le club israélien Hapoël Beer-Sheva, le Legia a écopé d'une amende de 35.000 euros pour son tifo polémique.

La réplique ne s'est pas faite attendre. Quelques jours après leur premier coup d'éclat, les ultras du club polonais avaient anticipé leur sanction en déployant en Europa League un autre tifo grimant l'UEFA en gigantesque cochon vêtu d'un costume frappé de la monnaie européenne...

'Apolitisme' et 'instrument' d'influence

"Le fait de défier les instances en place est quelque chose d'important dans la psyché des groupes ultras" car "au-delà de certaines tribunes qui ont une couleur politique bien déterminée, la seule opinion qui unit les ultras de l'Europe entière, c'est le fait de lutter contre la marchandisation du football", explique Sébastien Louis.

A l'inverse, comment interpréter l'intransigeance de l'UEFA sur le sujet des bannières politiques ? Pour Ludovic Lestrelin, "la position des instances sportives sur ces aspects-là est une position d'apolitisme", "le politique étant perçu comme source de conflits" alors que "les terrains sportifs sont censés être les lieux où l'on se réconcilie et dépasse les clivages sociaux".

"Dans la mesure où il y a un accroissement très net des enjeux économiques et une spectacularisation accrue du football, ce positionnement va aussi dans le sens de la neutralisation de toute expression qui viendrait contredire cela et dénaturer aux yeux des promoteurs la logique même de ce que doit être le sport", ajoute-t-il.

Mais l'apolitisme dans le foot est un "mythe qui ne tient pas longtemps la route", souligne Sébastien Louis. Et de citer les exemples du PSG, devenu l'un des éléments-clés de la stratégie d'"influence" du Qatar pour notamment faire face au "blocus imposé par ses voisins", ou de "l'instrument géopolitique" que représente le Mondial-2018 pour la Russie.

Avec AFP

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