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Notre-Dame de Paris : émotion, solidarité, mécènes et polémiques


Des ouvriers installent des bâches à la cathédrale Notre-Dame de Paris, le 23 avril 2019.
Des ouvriers installent des bâches à la cathédrale Notre-Dame de Paris, le 23 avril 2019.

Dix jours après l'incendie de Notre-Dame qui a ému l'opinion mondiale, l'élan de solidarité et les polémiques enflent chaque jour, alors que le gouvernement s'apprête à présenter tambour battant un projet de loi controversé à l'Assemblée nationale pour la restaurer en cinq ans.

Intitulé "Restauration et conservation de Notre-Dame de Paris", le texte, qui inquiète pour les dérogations inédites qu'il permettra aux règles des marchés publics et de la protection du patrimoine, devrait être présenté en commission des affaires culturelles le 2 mai, et en séance dès la semaine suivante.

Sur place, le bâchage de l'immense monument, qui devrait prendre plusieurs semaines, a commencé. Les risques immédiats d'affaissements des pignons ont été écartés et les stations de métro rouvertes au public.

Architectes, enquêteurs et experts enchaînent visites et réunions techniques sur les effets du feu et de l'eau et l'origine du sinistre, qui n'est pas encore connue même si elle est probablement accidentelle. Le court-circuit est la cause la plus souvent citée.

Première opération conduite avec succès : les grandes peintures accrochées dans la nef ont été transférées sans dommages au Louvre.

Conscient du sens symbolique de Notre-Dame dans l'histoire française, le président Emmanuel Macron avait réagi dès le lendemain de ce sinistre traumatique, en promettant que la cathédrale serait reconstruite "plus belle" qu'avant pour les Jeux olympiques de 2024, lors d'une allocation solennelle et grave depuis l'Elysée.

- Volontarisme ou précipitation ? -

Un geste salué comme "un acte volontariste" mais aussi comme un signe de "précipitation" d'un chef de l'Etat mis en difficulté par les +gilets jaunes+ et désireux de reprendre la main sur un thème consensuel.

Première polémique : les experts ne sont pas d'accord sur la possibilité de tenir ce délai. Pas tant pour les travaux que les technologies modernes peuvent faciliter, que pour la phase préalable des expertises et préparatifs. "Le temps long" nécessaire à la restauration des vieilles pierres doit être respecté pour que le chantier ne soit pas bâclé, martèlent les archéologues.

Une vive discussion s'est engagée sur la charpente : doit-elle être reconstruite en chêne, ce qui prendrait beaucoup de temps, ou en béton ou en métal ?

Le concours international d'architectes annoncé par surprise pour la reconstruction de la flèche fait aussi polémique. Le projet qui sera retenu décidera si la flèche de Viollet-le-Duc sera reconstruite ou si elle obéira à "un geste architectural contemporain", comme l'a préconisé le chef de l'Etat.

- "Starchitectes"-

Une autre dispute s'est ajoutée entre ceux qui veulent respecter l'intention spirituelle des bâtisseurs et ceux qui veulent s'en détacher. Installer des galeries pour les visiteurs sur le toit, rebâtir la flèche en verre figurent parmi les premières propositions dérangeantes des "starchitectes".

Les dons ont afflué comme jamais. Ils approcheraient le milliard d’euros : dons de grands mécènes comme Pinault, Arnault ou Total, ou d'Etats, mais surtout un nombre considérable de dons de particuliers. Plus de 400 millions d'euros ont été collectés par les quatre institutions retenues pour empêcher les escroqueries.

Cette surabondance, alors que le montant total des travaux ne dépasserait pas 600 à 700 millions d'euros selon diverses estimations, a généré une autre zizanie. L'exécutif promet que tout l'argent des donateurs ira bien à Notre-Dame : pourquoi ne pas redistribuer le surplus pour les autres cathédrales et églises en péril ?

La dernière et plus importante polémique est née de la présentation d'une loi ad hoc en Conseil des ministres : "projet scélérat", selon l'expert de la Tribune de l'art Didier Rykner, "inquiétant" pour l'animateur de télévision Stéphane Bern.

Elle propose des avantages fiscaux pour les donateurs, un établissement public ... Mais surtout : des mesures de dérogation à certaines dispositions législatives, en matière de marchés publics et de protection du patrimoine, qui seraient prises par ordonnance.

Elles auraient pour but de ne pas ralentir l'installation de constructions provisoires aux abords des monuments : les bases-chantier et la "cathédrale éphémère" qui est prévue sur le parvis, s'est justifié le ministère de la Culture.

"Exit toutes les procédures habituelles de restauration des monuments historiques", s'est insurgé Didier Rykner.

Un débat houleux à l'Assemblée nationale se prépare, alors que l'on avance lentement dans les opérations d'assainissement et dans l'enquête sur l'origine du feu.

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