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La propagande de l'Etat islamique peut pousser à l'action des malades mentaux


Des djihadistes jordaniens donnent des pâtisseries et des jus pendant une commémoration d'un de leurs "martyrs" en Jordanie, le 22 septembre 2012.
Des djihadistes jordaniens donnent des pâtisseries et des jus pendant une commémoration d'un de leurs "martyrs" en Jordanie, le 22 septembre 2012.

Si de plus en plus de "déséquilibrés" passent à l'acte violent en criant "Allah akbar !", c'est parce que ces sujets fragiles peuvent être influencés par l'actualité et le contexte sociétal, estiment des experts.

Mardi, un Allemand de 27 ans a agressé quatre personnes à coups de couteau près de Munich, en tuant une d'entre elle, aux cris de "Allah est le plus grand !" en arabe. Après un premier interrogatoire, les autorités n'ont pas établi de motivation jihadiste et assuré qu'il s'agissait d'un "déséquilibré".

Ces derniers mois, ce genre d'attaques par des auteurs isolés, au couteau ou par une voiture bélier, se sont multipliés en Europe.

Pour les malades mentaux, explique à l'AFP l'expert-psychiatre Daniel Zagury, "les délires se sont toujours adaptés. A chaque fois que la société évolue, les délires évoluent. L'activité délirante est directement connectée à l'air du temps".

"Des délires mystiques, il y en a toujours eu. Ce sont même souvent les plus dangereux. Quand Dieu est à mes côtés, ça rend les choses beaucoup plus simples. Là, ce sont des sujets qui ont abreuvé leurs délires à la matrice de l'actualité. Aujourd'hui, c'est 'Allah est grand' et je donne un sens mystique, un sens messianique à mon geste. C'est pour ça qu'il y a des types qui foncent dans la foule avec leur voiture ou qui poignardent des inconnus : c'est parce que l'actualité nourrit leur schizophrénie, leurs bouffées délirantes...".

Mais il faut faire attention à ne pas abuser du terme "déséquilibré" : dans les cas d'actes jihadistes, les malades mentaux sont peu nombreux, environ 10% des cas, estime-t-il. Les autres sont soit "de petits délinquants avec un pois chiche dans la tête, qui ont eu une première vie de toxicos, de trafic, et se rachètent une deuxième vie qui lave la première dans l'islam radical; soit, les plus dangereux, des sujets strictement normaux qui ont un engagement idéologique sans passé délinquant, éventuellement avec des études, très déterminés".

"Un Allah plus présent et vengeur"

"Un délire, c'est quelque chose qui vient donner du sens à l'existence quand elle n'en a plus", ajoute le Dr Zagury, qui a expertisé plusieurs jihadistes lors de leurs procès. "Il se nourrit notamment de ce qui se passe dans le monde. Dans un autre contexte sociétal, ils auraient exprimé autrement leurs délires".

Pour la psychologue-clinicienne Amélie Boukhobza, "toute la difficulté est de s'accorder sur le terme +déséquilibré+. On peut tout à fait avoir quelqu'un qui est proche de la mouvance islamiste radicale et a aussi des problèmes psychiatriques".

"Actuellement, l'omniprésence de Daech (acronyme arabe de l'Etat islamique) dans les médias peut avoir une influence sur les plus déséquilibrés. Dans les délires psychiatriques de façon générale, Dieu est traditionnellement présent. Un Dieu soit gentil soit méchant. Avec l'ampleur que prend le phénomène Daech, Dieu peut être remplacé par Allah. Un Allah plus présent et vengeur", ajoute-t-elle.

"Il serait intéressant de lancer une vraie étude scientifique, avec recensement de tous les cas. On a souvent tendance à dire qu'il s'agit de déséquilibrés, mais il faudrait faire une vraie étude. Chaque cas est particulier", dit-elle.

Le groupe Etat islamique a compris le profit qu'il peut tirer de ses appels incessants au passage à l'action contre "les mécréants", confie à l'AFP le psychologue universitaire Patrick Amoyel, qui travaille lui-aussi sur les phénomènes de radicalisation.

"Ils savent que plus ils occupent l'espace médiatique, plus ils vont avoir d'écho soit dans des populations radicalisables soit dans des populations psychopathiques. Ils représentent l'anti-société, l'anti-Occident : cela peut canaliser une radicalité sociale sans passer forcément par une radicalisation politique et religieuse", dit-il.

"Il y a ceux qui savent ce qu'ils font, qui font ça en toute connaissance de cause, et ce sont de vrais terroristes qui posent des actes rationnels", dit-il, "mais il a aussi des gens qui ont des psycho-pathologies de passage à l'acte : les consignes de Daech peuvent les pousser à passer à l'action".

Avec AFP

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