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Sans dialogue, les manifestations reprendront, avertit un chef d'opposition éthiopien


Dr. Merera Gudina, Président du Congrès fédéraliste oromo (OFC)
Dr. Merera Gudina, Président du Congrès fédéraliste oromo (OFC)

Le gouvernement éthiopien risque de faire face à de nouvelles manifestations de grande ampleur s'il ne dialogue pas avec les principaux partis d'opposition, avertit le haut responsable d'opposition Merera Gudina dans un entretien à l'AFP, quelques jours après sa libération de prison.

Président du Congrès fédéraliste oromo (OFC) et emprisonné depuis décembre 2016, le populaire M. Merera est le seul opposant de haut rang relâché depuis que le Premier ministre Hailemariam Desalegn a promis le 3 janvier de libérer un nombre non spécifié d'hommes politiques. D'autres prisonniers, accusés de violences ethniques, ont été relâchés avec M. Merera.

La décision de libérer ces hommes, ainsi que des discussions en cours avec certains partis d'opposition et la récente promesse de réformes, s'inscrivent dans un contexte difficile pour la coalition au pouvoir, au sein de laquelle des fractures sont apparues dernièrement.

Mais pour M. Merera, le but de ces libérations - "améliorer le consensus national et élargir le débat démocratique", selon le Premier ministre Hailemariam Desalegn - ne sera atteint que si d'autres prisonniers sont relâchés. Il estime par ailleurs que le dialogue entrepris ne mènera à rien de significatif car il exclut les principaux partis d'opposition.

"Le parti au pouvoir doit revoir sa copie, il doit arrêter d'accorder des choses au compte-goutte et doit mener ce pays vers un vrai dialogue national et un vrai consensus national, c'est la seule solution", soutient M. Merera, lors d'un entretien mardi à sa résidence de Burayu, à l'ouest de la capitale Addis Abeba.

M. Merera avait été appréhendé peu après son retour d'un voyage en Europe, où il avait dénoncé l'instauration en Ethiopie de l'état d'urgence devant des parlementaires européens à Bruxelles. Cet état d'urgence avait été décrété pour mettre un terme aux plus importantes manifestations anti-gouvernementales depuis 1991.

Ces manifestations avaient débuté en 2015 en région Oromo (sud et ouest), le plus important groupe ethnique du pays, et s'étaient ensuite étendues vers d'autres zones, principalement la région Amhara (nord).

Ces protestations étaient avant tout l'expression d'une frustration des Oromo et des Amhara face à ce qu'ils perçoivent comme une sur-représentation de la minorité des Tigréens au sein de la coalition du Front démocratique révolutionnaire des peuples éthiopiens (EPRDF), qui règne sans partage depuis 1991.

"Un pays de 100 millions d'habitants, c'est trop grand pour un seul groupe (l'EPRDF, ndlr), c'est évident pour tout le monde, je pense que c'est également évident aux yeux de ceux qui nous dirigent", estime M. Merera.

Inculpé notamment d'incitation aux émeutes et d'avoir préparé un coup d'État, Merera Gudina pense que son arrestation avait pour but de saper le moral des manifestants. Il a d'ailleurs lui-même pensé à se retirer de la politique après avoir été emprisonné plus d'un an, mais est revenu sur sa décision au vu de l'enthousiasme de ses partisans à sa libération.

Car les manifestations ont repris sporadiquement depuis la fin de l'état d'urgence en août 2017. La libération des prisonniers, le dialogue et la promesse de réformes sont d'ailleurs vues par les observateurs comme une tentative du gouvernement de calmer les esprits.

Mais cela ne suffira pas, soutient M. Merera. "Il y a des millions de jeunes que nous ne contrôlons pas, et si on ne leur donne pas quelque chose de concret, il pourraient à nouveau provoquer le chaos".

Avec AFP

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