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Le cri du coeur du docteur Mukwege sur la VOA


Denis Mukwege, gynécologue congolais, dans son bureau de Panzi, le 6 février 2013,PINAULT/VOA
Denis Mukwege, gynécologue congolais, dans son bureau de Panzi, le 6 février 2013,PINAULT/VOA

Un mois après son retour à Bukavu, le docteur Denis Mukwege lance un appel : la reprise de la guerre a entraîné une hausse dramatique des violences sexuelles, un retour en arrière de dix ans contre lequel il faut agir, a-t-il expliqué à l’envoyé spécial de la VOA en RDC, Nicolas Pinault.

Vous êtes rentré à Bukavu le 14 janvier dernier, comment allez-vous ?

Denis Mukwege :
"Je suis revenu puisque les femmes congolaises ont tenu à mon retour. Je n’avais pas le choix, leur accueil a été fabuleux. J’avais les larmes aux yeux. Depuis la reprise de la guerre dans cette région, les victimes ont augmenté tout comme les atrocités. Malheureusement chaque jour qui passe apporte son lot de tortures sur les femmes de ce pays."

Etes-vous rassuré sur votre sécurité ?

Denis Mukwege : "Le problème se pose dans toute la région pour les populations, pas seulement pour moi. Nous pensons que cet hôpital devrait jouir d’une protection particulière et nous négocions encore."

Et personnellement ?

Denis Mukwege : "J’ai dû renoncer à des conférences à l’extérieur puisqu’il n y a pas de sécurité suffisante pour voyager de l’hôpital vers l’aéroport. J’ai toujours une garde rapprochée de la police congolaise. Pour les longues distances, je sollicite la Monusco. C’est très pénible ! Ce n’est pas un mode de vie de perdre sa liberté."

Savez-vous aujourd’hui qui vous en voulait pour tenter de vous assassiner ?

Denis Mukwege : "Non, malheureusement. Depuis que je suis revenu, j’ai fait une déposition et j’attends."

Tous les moyens sont-ils mis en œuvre selon vous ?

Denis Mukwege : "Je crains que trois mois après, on a laissé disparaître toutes les preuves. Une enquête entreprise après tout ce temps risque de ne pas vraiment aboutir."

Le docteur Denis Mukwege, gynécologue congolais
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Quelles sont les conséquences ici de la guerre qui a repris dans l’Est de la RDC ?

Denis Mukwege : "Les premières personnes qui souffrent sont les femmes et les enfants. Alors qu’en 2011 on avait vu les chiffres des victimes de violences sexuelles diminuer, aujourd’hui ce n’est plus le cas. Tout le monde parle du M23, mais nous constatons que tous les groupes armés, démobilisés ou nouveaux, ont repris leurs activités. On a fait un retour en arrière de dix ans. Cela me fait très mal. Nous recevons plus de douze nouvelles victimes par jour. On revient aux pires moments de 2002-2004."

Et l’armée congolaise si souvent décriée ?

Denis Mukwege : "Nous avons aussi des victimes des forces armées congolaises. J’ai toujours pensé que cette armée a été constituée sur une mauvaise base. Ce sont des forces qui n’arrivent pas à protéger la population, car la plupart viennent du brassage ou mixage. C’est-à-dire des groupes armés intégrés dans l’armée sans formation adéquate. Ce sont des jeunes gens avec des armes qui pensent pouvoir tout avoir : nourriture, argent, femmes. Lorsqu’on les met dans l’armée nationale, sans soutien psychologique, que peut-on attendre ? Aujourd’hui, tous les Congolais devraient réclamer la reforme du secteur de la sécurité."

Etes-vous découragé ?

Denis Mukwege : "C’est vrai, cela fait mal, mais je ne me décourage pas. Il y a un potentiel chez les femmes congolaises de se battre, elles ont l’espoir. Malgré tout ce qu’on leur fait subir, elles croient en l’avenir. On a toutes les raisons d’y croire."

Financièrement, l’hôpital de Panzi peut-il faire face à la situation ?

Denis Mukwege : "Cette année sera difficile. Une première depuis huit ans. Il faut dire que le nombre de patientes est en hausse par rapport aux prévisions. Avec les bailleurs, nous étions, avant la guerre, dans une phase de régression sur le plan des financements. Aujourd’hui, si la tendance se poursuit, il faudra plus d’argent. "

On vous appelle "Docteur Courage", qu’est-ce que cela vous inspire ?

Denis Mukwege : "Je ne sais pas. En tout cas, les femmes sont tellement courageuses qu’à force de vivre à côté d’elles, on apprend à être courageux."

On cite souvent votre nom pour le Prix Nobel, qu’en pensez-vous ?

Denis Mukwege : " Si c’est pour changer, amener plus d’engagement de la communauté internationale à mettre fin à cette crise. Si le Prix Nobel peut avoir cette signification, cela serait un Prix Nobel avec beaucoup de sens. Je le répète : la situation actuelle est une honte pour l'humanité. Nous restons insensibles. On a beaucoup investi sur les conséquences de la guerre et je remercie la communauté internationale. Un prix Nobel aura du sens que si l'on obtient un résultat : la paix. "

(Propos recueillis à Panzi par Nicolas Pinault)

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