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Le Burundi peut-il vraiment voter ce lundi ?


Drapeau du Burundi
Drapeau du Burundi

Le Burundi s'apprêtait à voter, dans un climat extrêmement tendu, émaillé de violences, pour des législatives et communales marquant la première étape d'un processus électoral controversé que les autorités refusent de reporter malgré les pressions internationales.

Dernier signe en date de l'isolement croissant du camp présidentiel burundais, confronté depuis deux mois à une contestation de la candidature du président Pierre Nkurunziza à un troisième mandat, un nouveau cadre du régime a fait défection.

Annonçant être réfugié à Bruxelles, le président de l'Assemblée nationale Pie Ntavyohanyuma a appelé le chef de l'Etat à renoncer à son projet de se représenter lors de la présidentielle du 15 juillet.

Cette défection intervient dans la foulée de celle du 2e vice-président du Burundi, Gervais Rufyikiri, qui comme M. Ntavyohanyuma, s'était opposé au sein du CNDD-FDD, le parti présidentiel, aux velléités de troisième mandat du président Nkurunziza.

L'opposition a annoncé qu'elle ne prendrait pas part à "un simulacre électoral" et la société civile a appelé les électeurs à boycotter les urnes. Opposition et société civile, acteurs de la contestation contre un troisième mandat jugé inconstitutionnel de M. Nkurunziza, estiment que le climat politique et sécuritaire au Burundi ne permet pas des élections libres et transparentes.

L'ONU, l'Union africaine et les pays de la région leur ont donné raison sur ces derniers points, estimant aussi que les conditions requises pour des scrutins crédibles n'étaient pas remplis. L'organisation panafricaine a confirmé dimanche qu'elle n'observerait pas les élections lundi.

La communauté internationale dénonce notamment un climat d'intimidation et de peur, entretenu par la ligue de jeunesse du parti au pouvoir - les "Imbonerakure", qualifiés de "milice" par l'ONU - et l'absence de médias indépendants.

Les radios d'information privées ont été détruites lors d'une tentative de coup d'Etat militaire mi-mai et sont depuis empêchées de recommencer à émettre par les autorités. Nombre de leurs journalistes ont fui le pays ou se cachent, affirmant être menacés.

Mais le camp présidentiel est décidé à organiser ces élections, malgré la suspension d'une partie de l'aide des bailleurs et un regain de violences depuis la mi-juin, quand la police est parvenue, après un mois et demi de manifestations quasi-quotidiennes à Bujumbura et dans quelques localités de province, à étouffer la contestation dans la rue.

Depuis, plusieurs attaques à la grenade ont fait au moins cinq morts et des tirs sont régulièrement entendus la nuit dans Bujumbura. Dimanche soir, encore, à quelques heures de l'ouverture du scrutin, des tirs nocturnes d'origine inconnue étaient audibles à travers la capitale.

Les bureaux ouvrent à 4h TU et ferment à 14h TU sur l'ensemble du territoire. Quelque 3,8 millions de Burundais sont inscrits sur les listes électorales.

Les citoyens burundais doivent élire 100 députés, auxquels viendront s'ajouter trois membres de l'ethnie ultra-minoritaire twa (1% de la population) ainsi que, si nécessaire, un nombre variable de députés cooptés au sein des listes en lice pour parvenir aux équilibres prévus par la Constitution, l'Assemblée devant compter 60% de députés hutu (environ 85% de la population), 40% de députés tutsi (environ 15%) et 30% de femmes.

Ces équilibres ont été consacrés par l'Accord d'Arusha, dont la signature en 2000 a ouvert la voie à la fin de la guerre civile ayant opposé entre 1993 et 2006 l'armée alors dominée par l'élite tutsi et des rébellions hutu. Les subtils mécanismes de partage du pouvoir de cet accord ont apporté dix ans de paix au Burundi, à l'histoire post-coloniale ponctuée de massacres.

Les observateurs craignent que la crise actuelle ne provoquent le retour de violences à grande échelle.

"Tout est prêt dans le pays" pour les élections, a pourtant assuré dimanche le président de la Commission électorale nationale indépendante (Céni), Pierre-Claver Ndayicariye, assurant que le matériel électoral était en cours d'acheminement vers les centres de vote et que du "matériel de réserve" avait été pré-positionné.

A propos du boycott annoncé de partis ou coalition de l'opposition, il a assuré n'avoir reçu "aucun document officiel" de la part des formations concernées attestant de leur retrait des scrutins, ce qu'elles contestent.

Le boycott "ce n'est pas nouveau au Burundi (...) c'est une autre façon de faire de la politique", a estimé M. Ndayicariye.

L'opposition s'était déjà retirée du processus électoral en 2010, ce qui l'avait exclue du paysage politique pendant cinq ans et affaiblie. Mais elle a à nouveau jeté l'éponge, affirmant avoir été dans l'impossibilité de faire campagne, la cible permanente de menaces, et accusant la Céni d'être aux ordres du pouvoir.

Avec AFP

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