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USA: une prestigieuse université facilite l'admission de descendants d'esclaves


Université de Georgetown, à Washington DC, le 10 juillet 2013.
Université de Georgetown, à Washington DC, le 10 juillet 2013.

La prestigieuse université de Georgetown, dans la capitale américaine Washington, a promis jeudi des excuses officielles pour la vente de quelque 270 esclaves dont elle a tiré profit au XIXe siècle, proposant en compensation de faciliter l'admission de leurs descendants.

L'université jésuite fondée en 1789 est l'une des plus anciennes aux Etats-Unis et son président John DeGioia avait créé il y a un an un groupe de travail pour se pencher sur son passé esclavagiste.

Ces étudiants, personnels et anciens de l'université ont publié en ligne des archives documentant la vente en 1838 de 272 esclaves, dont une partie des recettes, qui équivaudraient à environ 3,3 millions de dollars aujourd'hui, avait été utilisée pour régler des dettes de l'établissement.

M. DeGioia a prononcé jeudi un discours dans lequel il a présenté toutes les mesures décidées par l'université pour tenter d'atténuer les conséquences de son passé.

"On connaît notre histoire", a reconnu M. DeGioia. "On peut être paralysé par notre passé, mais on peut aussi s'en servir pour se renforcer. J'espère que ces premiers pas ne sont que le début du chemin vers une réconciliation", a-t-il affirmé.

Il a promis que des excuses officielles viendraient d'une "messe de réconciliation dans laquelle nous chercherons le pardon pour notre participation à l'esclavage".

Plusieurs descendants directs des 272 esclaves vendus en 1838 ont aussi pris la parole lors de cette cérémonie et ont espéré que les démarches de l'Université de Georgetown, de par le poids et l'Histoire de l'établissement, puissent constituer un exemple pour un mouvement de réconciliation plus large.

Parmi les mesures annoncées, la plus symbolique concerne ces descendants. Georgetown s'est en effet spécifiquement engagée à leur faciliter l'admission, sans toutefois aller jusqu'à proposer une aide financière aux potentiels candidats.

Concrètement, cette forme de discrimination positive signifie que les descendants seront "pris en considération de la même manière" que les candidats dont les parents sont d'anciens élèves de Georgetown, a précisé l'université dans un communiqué.

La plupart des universités privées américaines favorisent en effet l'admission des candidats dont les parents sont diplômés du même établissement.

- 'Période critique' -

"Parce que nous avons des noms, des familles, des histoires et que nous pouvons cibler directement des personnes et leurs descendants aujourd'hui (...) nous nous sommes trouvés dans une position très particulière pour répondre" au passé esclavagiste de l'université, a commenté un membre du groupe de travail, Eric Woods.

Par ailleurs, deux bâtiments du campus, qui portaient auparavant les noms de présidents d'université impliqués dans la vente de ces esclaves, seront rebaptisés en l'honneur d'un ancien esclave et d'une enseignante noire qui oeuvrait à l'éducation des jeunes filles au début du XIXe siècle.

Un nouvel institut de recherche sur l'esclavage va également ouvrir ses portes au sein de l'établissement et un mémorial sera érigé en l'honneur des anciens esclaves, a annoncé M. DeGioia en se basant sur un rapport d'une centaine de pages présenté par le groupe de travail.

"La façon la plus appropriée pour nous de compenser la participation de nos ancêtres à l'esclavage est de réparer (ses) conséquences de nos jours", a fait valoir M. DeGioia.

D'autres universités américaines comme Brown, Columbia ou Harvard ont déjà reconnu publiquement avoir participé au commerce d'esclaves.

Le travail sur les archives a permis de découvrir que l'université de Georgetown avait tiré un large profit de l'esclavage. Le travail dans des plantations jésuites et la vente d'esclaves généraient des revenus, et des esclaves ont aussi probablement construit les premiers bâtiments du campus.

"Nous nous trouvons dans une période critique de notre histoire en ce qui concerne les relations raciales et la manière de faire face sur le long terme aux conséquences des inégalités", a souligné l'historienne Marcia Chatelain, membre du groupe de travail.

Les Etats-Unis ont été marqués ces dernières années par des émeutes et des manifestations visant à protester contre les bavures policières à l'encontre de jeunes Noirs.

A Georgetown, la réflexion engagée sur le passé de l'université avait donné lieu à des manifestations d'étudiants en novembre, qui avaient popularisé le hashtag #GU272, en référence à la vente des 272 esclaves.

Avec AFP

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