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Evan McMullin, l'anti-Trump qui bouscule la présidentielle dans l'Utah


Le candidat présidentiel indépendant Evan McMullin à Draper, en Utah, le 21 octobre 2016.
Le candidat présidentiel indépendant Evan McMullin à Draper, en Utah, le 21 octobre 2016.

Sérieux, discret, poli, Evan McMullin est l'exact opposé de Donald Trump. Ce mormon de 40 ans, ex-agent de la CIA longtemps resté dans l'ombre défie l'hypermédiatique candidat à la présidentielle dans l'Utah, bastion républicain.

"Je suis le seul vrai conservateur de cette élection", martèle l'homme qui est entré en campagne en août en tant qu'indépendant, dans seulement certains Etat comme l'y autorise le système électoral américain.

A quelques jours du scrutin, McMullin talonne le magnat de l'immobilier dans l'Utah où la population à 60% mormone vote républicain depuis des décennies. L'Eglise mormone, qui puisse dans la tradition chrétienne en y ajoutant sa propre théologie, est socialement très conservatrice.

Si Evan McMullin l'emporte, ce sera la première fois en près de 50 ans qu'un indépendant arrive en tête d'un Etat à la présidentielle.

Face à cette chance de se faire une place dans l'Histoire, il ratisse l'Utah, de déjeuners avec des bénévoles en séances de questions-réponses avec des Hispaniques ou pose pour des photos-souvenir.

Silhouette mince en costume strict, lèvres fines, yeux bleus et crâne rasé, il se positionne en chevalier blanc qui peut sauver l'Amérique de "deux candidats corrompus et arrivistes" : la démocrate Hillary Clinton, et surtout, Donald Trump.

- Allure lisse -

"Ne laissons pas l'Utah revenir à Trump. Choisissez le camp des principes, de l'égalité quelle que soit votre race et religion", déclare-t-il à un parterre d'étudiants à l'allure aussi sage que lui dans une université de Salt Lake City, capitale de l'Utah et des Mormons.

Son message fait mouche. Les accusations d'agressions sexuelles de femmes à l'encontre du champion républicain ont choqué cette communauté très puritaine.

Chez les Mormons, longtemps persécutés et attachés à la liberté religieuse, ses propos contre les musulmans passent également très mal. Cette communauté est aussi plus libérale sur l'immigration que d'autres groupes chrétiens, car beaucoup de Mormons partent chaque année en mission d'évangélisation en Amérique du Sud, où leur Eglise compte des millions d'adeptes.

"Vous voulez aussi construire un mur à la frontière mexicaine ?", l'interroge en espagnol une femme angoissée lors d'une rencontre dans un lycée, à propos d'une promesse de M. Trump.

"Je suis contre l'expulsion de 11 millions d'immigrés en situation irrégulière, pour ne pas briser des familles et perturber notre économie", dit-il, prenant le contrepied de Trump et déclenchant une salve d'applaudissements.

Malgré son allure lisse, McMullin n'est pas si conventionnel : il est célibataire et sans enfant à l'âge où beaucoup de ses coreligionnaires deviennent grands-parents, et sa mère s'est remariée avec une femme alors que l'homosexualité est encore difficilement acceptée dans leur Eglise.

- Menaces de mort -

Né à Provo, fief mormon, McMullin est parti en mission au Brésil au sortir de l'adolescence, a travaillé après ses études en Jordanie dans un programme pour réfugiés des Nations unies, avant de passer 11 ans au sein de la CIA, organisant des missions de lutte contre le terrorisme.

Après deux années dans la banque d'investissement chez Goldman Sachs, il est devenu conseiller de la Commission des affaires étrangères de la Chambre des représentants, puis l'un des responsables d'une instance du parti républicain (House Republican Conference).

Il a fait défection après l'investiture de Donald Trump et s'est lancé en électron libre dans la présidentielle sur initiative d'un groupe de républicains révulsés comme lui par le tonitruant homme d'affaires.

En cas de vote serré, il pourrait priver Trump comme Clinton des six grands électeurs de l'Utah et les empêcher de parvenir aux 270 nécessaire pour décrocher la Maison Blanche. Selon le 12ème amendement de la Constitution, ce serait alors au Congrès de choisir le ou la président(e).

Conscient du danger, l'ex-vedette de téléréalité a commencé à s'en prendre à "ce personnage qui va de café en café" et "nous pose problème dans l'Utah".

"Pendant que vous harceliez des femmes à des concours de beauté je combattais le terrorisme à l'étranger", a répliqué l'intéressé, adepte comme lui des joutes virales sur les réseaux sociaux. M. McMullin a aussi dit avoir reçu des menaces de mort de partisans xénophobes de Donald Trump.

Lou Dobbs, animateur de la chaîne très à droite Fox, l'a traité sur Twitter de "marionnette de la mafia mormone et de Romney", l'ex-candidat à la présidentielle en 2012.

Mitt Romney, influent mormon qui a tenu en mars un féroce discours anti-Trump, ne soutient pas officiellement McMullin. Il lui a toutefois loué son listing d'appels à donations de 2012 et la colistière de McMullin, Mindy Finn, fut l'une de ses collaboratrices.

S'ils ont réussi à lever 1 million de dollars, essentiellement des petites contributions, ils n'ont pas rallié de gros donateurs.

Après mardi, McMullin envisage de "lancer un mouvement pour une nouvelle génération de conservateurs", sans dire s'il espère le faire au sein du "Grand Old Party", ou se lancer seul dans cette nouvelle mission.

Avec AFP

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