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Syrie: la mystérieuse mort du plus énigmatique des chefs du Hezbollah


Mustafa Badreddine. Photo publiée par les services médiatiques du Hezbollah, le 13 mai 2016. (Hezbollah Media Office/Handout via REUTERS)
Mustafa Badreddine. Photo publiée par les services médiatiques du Hezbollah, le 13 mai 2016. (Hezbollah Media Office/Handout via REUTERS)

L'assassinat de l'énigmatique chef militaire du Hezbollah, Mustafa Badreddine, tué dans une explosion à proximité de l'aéroport de Damas, est entouré de mystères tant sur ses auteurs que sur son modus operandi, en l'absence de toute information de la part du mouvement chiite libanais.

Les circonstances

Selon une source de la sécurité syrienne, l'explosion a eu lieu dans la nuit de jeudi à vendredi dans un entrepôt près de l'aéroport de Damas, où se trouvait Mustafa Badreddine. Aucun survol d'avion n'a été entendu avant l'explosion et personne ne savait que ce chef du Hezbollah s'y trouvait, a indiqué cette source à l'AFP.

L'aéroport et ses environs font partie de la zone de combats de Sayeda Zeinab, haut lieu de pèlerinage chiite situé à 10 km de Damas et sous contrôle de l'armée syrienne. Cependant les Iraniens et le Hezbollah y sont très présents. La première position rebelle se trouve à 7 km de là, dans la Ghouta orientale.

Qui est Mustafa Badreddine?

Agé d'une cinquantaine d'années et originaire du sud du Liban, il a fait ses premières armes au sein du Fatah palestinien. Après l'invasion israélienne du Liban à l'été 1982, il rejoint le Hezbollah créé par l'Iran.

Il s'engage dans l'action clandestine. Il est l'un des auteurs des attentats contre les ambassades de France et des Etats-Unis à Koweït en décembre 1983 et est arrêté.

Les pirates de l'air qui détournent un avion au Koweït en décembre 1984, ainsi qu'un appareil de l'ancienne compagnie aérienne américaine TWA en juin 1985, réclament sa libération. Il s'échappe de prison lors de l'invasion irakienne du Koweït en 1990.

Il est accusé par le Tribunal spécial pour le Liban d'avoir été "le cerveau" de l'assassinat à Beyrouth de l'ancien Premier ministre libanais Rafic Hariri en 2005. Il est jugé par contumace.

Quand son mentor et beau-frère Imad Moughniyé, chef de la sécurité du Hezbollah, est tué dans un attentat à Damas en février 2008, il le remplace et quand le mouvement chiite s'implique dans la guerre en Syrie, il en devient le chef des opérations.

L'impact de sa mort sur le Hezbollah

La majorité des experts s'accorde à penser que sa mort n'aura que des répercussions limitées sur le mouvement chiite.

"Malgré son importance comme plus haut responsable des opérations secrètes en charge de la stratégie sur le terrain, je doute que sa mort aura un impact sur les opérations de cette organisation en Syrie", affirme Maha Yahya, directrice par intérim du Centre Carnegie pour le Moyen-Orient.

"Les opérations du Hezbollah ne reposent par sur les épaules d'un seul homme. Elles font partie d'une entité plus large reliée au commandement iranien", ajoute-t-elle.

Pour Nicolas Pouillard, chercheur associé à l'Institut français du Proche-Orient (Ifpo), "sa mort a d'abord un impact symbolique et psychologique (...) car il était un vétéran du Hezbollah et l'un de ses principaux cadres militaires".

"Cet assassinat n'affectera pas le parti au niveau militaire, quelqu'un d'autre d'aussi valable le remplacera", assure l'experte Chiara Calabrese.

Les auteurs

Pour la première fois, le Hezbollah n'a pas aussitôt accusé Israël.

"Pour le moment, le Hezbollah n'accuse officiellement aucune partie. Israël, tout comme des factions de l'opposition peuvent être objectivement impliqués dans cet assassinat", note Nicolas Pouillard.

"Cependant, il (l'assassinat) s'est passé dans la banlieue de Damas, près de la zone de l'aéroport, tenue par le régime. Il y a donc eu un travail de renseignement opéré en amont, qui peut par ailleurs associer plusieurs parties syriennes et régionales", souligne-t-il.

Pour Waddah Charara, auteur de "l'Etat Hezbollah", "le mouvement chiite est très gêné. Accuser Israël d'avoir mené une opération aérienne, c'est mettre en doute l'efficacité de la Russie à protéger l'espace aérien syrien".

En outre, "il ne faut pas exclure que cet assassinat soit le résultat de tiraillement entre le régime, la Russie et l'Iran", a-t-il ajouté.

Le "numéro deux" du Hezbollah, Naïm Qassem, a indiqué qu'au plus tard samedi matin les résultats de l'enquête seraient annoncés.

L'implication du Hezbollah reste entière

La mort de Mustafa Badreddine ne devrait pas modifier l'implication du Hezbollah en Syrie aux côtés du régime.

"En te tuant, ils nous ont donné un motif supplémentaire pour continuer notre chemin, qui offre martyr après martyr, et un chef après l'autre", a déclaré cheikh Qassem, durant l'oraison funèbre.

Sur le terrain, selon Waddah Charara, il y aurait environ 5 à 6.000 combattants par rotation de 2.000. "Leur rôle est de combler les défaillances de l'armée syrienne, de maintenir le terrain gagné".

Le Hezbollah aurait perdu un à deux milliers d'hommes en Syrie selon des sources, mais pour Nicolas Pouillard, son implication dans la guerre "n'est pas fondamentalement remise en cause, d'abord en raison d'un sentiment de solidarité communautaire, ensuite en raison de la peur existentielle d'une menace djihadiste et troisièmement, le fait qu'Israël soit intervenu directement contre le Hezbollah en Syrie".


Avec AFP

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