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Six mois après Calais, l'intégration à petits pas des migrants dans une bourgade française


Des villageois de Forges-les-Bains, au sud de Paris, manifestent contre l'arrivée des migrants dans leur village, France, le samedi 8 octobre 2016.
Des villageois de Forges-les-Bains, au sud de Paris, manifestent contre l'arrivée des migrants dans leur village, France, le samedi 8 octobre 2016.

"Ils ont compris qu'on n'était pas des terroristes". A Forges-les-Bains, bourgade proche de Paris qui a accueilli des migrants afghans évacués de Calais ou de la capitale, l'intégration avance mais les tensions restent palpables, aiguisées par la campagne électorale en France.

"Ça va mieux, les gens du village nous parlent, ils rigolent avec nous", confie Hakimullah Wardak, 26 ans, dans un français prometteur.

Ce jeune homme aux yeux bleus, qui étudiait le droit en Afghanistan, fait partie des milliers de migrants longtemps entassés dans des camps insalubres à Paris ou Calais, dans le nord de la France, avec l'espoir de passer en Angleterre. Des camps que le gouvernement socialiste a finalement décidé de vider en octobre, éparpillant leurs occupants dans des centres d'accueil aux quatre coins du pays.

Non sans frictions. Manifestations hostiles, centres d'hébergement incendiés: certaines villes d'accueil avaient alors affiché leur hostilité.

A Forges-les-Bains, bourgade rurale cossue à une trentaine de kilomètres au sud-ouest de Paris, le centre d'accueil avait été la cible d'un incendie vraisemblablement criminel et une manifestation avait réuni quelque 250 personnes opposées à l'arrivée de migrants.

Six mois après, la tension est retombée d'un cran mais "beaucoup de gens gardent une appréhension", constate Christophe Chambre, bénévole dans l'établissement qui héberge 91 demandeurs d'asiles afghans.

"Les gens qui étaient très opposés au centre le sont toujours et ils le disent. Mais ils sont moins virulents qu'au début", assure la maire sans étiquette Marie Lespert-Chabrier.

La campagne présidentielle ne contribue pas à apaiser les esprits: "l'ambiance anxiogène qui règne en France, entretenue par certains partis politiques alimente le sentiment de rejet", déplore Christophe Chambre, cet ingénieur de 54 ans qui donne des cours de français aux migrants.

La candidate de l'extrême droite Marine Le Pen, veut "arrêter l'immigration légale et illégale" et accuse son principal rival, le jeune centriste Emmanuel Macron qui préconise pour sa part "un renforcement des frontières", d'être le "candidat de l'immigration massive".

'Ne pas fermer la porte'

Même si elle n'a eu "aucun problème majeur" depuis l'arrivée des Afghans, une mère de famille rencontrée à deux pas du centre d'accueil s'avoue toujours inquiète.

"Je ne veux pas que ma fille marche toute seule dans la rue. Avec ces groupes d'hommes qui se déplacent, elle n'est pas en sécurité. Moi-même, je me suis fait siffler un jour par l'un d'entre eux", témoigne cette commerciale de 41 ans qui souhaite rester anonyme.

Pour favoriser le dialogue, la mairie et l'association Emmaüs Solidarité, qui gère le centre, ont convié villageois et migrants à randonner ensemble à l'occasion d'une traditionnelle "marche du printemps", organisée chaque année fin mars à travers les champs et les forêts de la région. Une journée "portes ouvertes" avait aussi été proposée en novembre.

"On ne peut pas fermer la porte à des gens qui demandent l'asile", s'exclame Patricia, une retraitée de 61 ans qui participe à la randonnée. "On vient tous d'Adam et Eve donc on est tous frères et sœurs!".

La journée a commencé au centre Emmaüs, où les résidents ont accueilli les randonneurs avec un petit déjeuner traditionnel à base de bolanis - des galettes fourrées aux pommes de terre - et s'est achevée par des danses sur fond de musique afghane dans la cour du centre.

Lucie Asifatu, bénévole au vestiaire, souligne la solidarité de certains habitants. "Cette semaine, j'ai reçu trois énormes cartons de vêtements et de fournitures scolaires", raconte cette animatrice périscolaire de 31 ans.

Les gens du village "ont compris qu'on n'était pas des terroristes. Certains m'avaient dit ça au début", sourit Hakimullah Wardak.

Niamat Bahram, lui, parle peu français mais prononce parfaitement un nom: Marine Le Pen. Cet Afghan de 21 ans suit de près la campagne présidentielle et s'inquiète.

"Si elle devient présidente, elle va restreindre nos droits. Je veux faire des études. J'espère que les Français éliront quelqu'un qui laisse la France telle quelle, un pays ouvert qui accueille des migrants".

Avec AFP

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