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RDC : Interview exclusive du général Makenga à la VOA


Le général Sultani Makenga, chef militaire du M23, le 3 février 2013 à Rumangabo PINAULT/VOA
Le général Sultani Makenga, chef militaire du M23, le 3 février 2013 à Rumangabo PINAULT/VOA

Le chef militaire du M23 ne s’était plus exprimé depuis la remise de Goma aux chefs d’Etat-major de la CIRGL ; il sort aujourd’hui de son silence en accordant un entretien à Nicolas Pinault, envoyé spécial de la Voix de l’Amérique en RDC.

Les négociations de Kampala s’éternisent. Qu’en pensez-vous ?

Sultani Makenga : "Nous attendons toujours. On espère que le gouvernement de Kinshasa va régler le problème, parce que tout dépend de lui. Je reste optimiste. Nous, nous sommes pour la paix."

Y a-t-il une date limite pour négocier ?

Sultani Makenga : "Nous sommes patients, nous suivons la volonté des pays des Grands Lacs."

Quelle est la situation sur le terrain entre les FARDC et le M23 ?

Sultani Makenga : "Nous avions déclaré un cessez-le-feu unilatéral, mais le gouvernement continue de se préparer à nous attaquer. Il y a des renforcements partout, sur tous les axes occupés par les FARDC. Il y a des mouvements des FDLR (NDLR : rebelles hutus rwandais) et autres groupes rebelles jusque dans le parc des Virunga. Nous attendons."

Les FDLR semblent s’être positionnées à Tongo. Y a-t-il déjà eu des affrontements entre vos deux groupes ?

Sultani Makenga : "Ils nous ont déjà tendu des embuscades. Ils se préparent à nous attaquer, avec les FARDC."

Le général Sultani Makenga, chef militaire du M23, le 3 février 2013 à Rumangabo
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Vous deviez quitter Goma jusqu’à 20 km au nord, mais le M23 n’a pas respecté ce point de l’accord (NDLR : ils ne sont qu’à 2 km de la ville, à Kaniaruchinya) ?

Sultani Makenga : "C’est vrai, nous devions nous retirer à 20 km, mais il y avait d’autres préalables : nous devions laisser une compagnie à l’aéroport de Goma, 200 hommes, et une force neutre devait occuper la zone tampon. Tout cela n’est pas prêt. C’est pour cela que nous sommes là aujourd’hui."

Des drones pourraient bientôt être déployés dans l’Est de la RDC. Que pensez vous de cette décision du Conseil de Sécurité des Nations Unies ?

Sultani Makenga : "C’est une décision de la communauté internationale, nous n’avons rien à dire, nous observerons. Simplement, ce n’est pas une bonne chose. Il faut d’abord comprendre les problèmes qui persistent ici avant d’amener des drones ou autre chose."

Faut-il plus de casques bleus en RDC ?

Sultani Makenga : "Ce n’est pas une solution. La Monusco est là depuis plus de dix ans. Qu’est-ce qu’ils ont fait ? La Monusco se bat aux côtés des FARDC. Les populations fuient le Masisi ou d’autres localités. Que fait la Monusco ?"

Y a-t-il un danger ethnique actuellement en RDC ?

Sultani Makenga
: "On sait que dans l’Est, au Nord et au Sud-Kivu, il y a des problèmes ethniques, des discriminations dans la politique et l’armée. C’est officiel. "

Bientôt un an d’existence pour le M23, quel bilan dressez-vous ?

Sultani Makenga
: "A l’époque, nous avons quitté les forces gouvernementales pour venir à Runyoni. Nous pensions être en sécurité pour dénoncer les problèmes auxquels nous étions confrontés. Mais le gouvernement nous a attaqués. Nous nous sommes défendus et nous avons évolué."

Le M23 a-t-il vocation à ne devenir qu’un mouvement politique comme l’ex-CNDP ?

Sultani Makenga : "Nous sommes un mouvement politico-militaire. Nous sommes aujourd’hui à Kampala. S’il y a un accord, nous aurons notre parti comme d’autres."

S’il y a un accord souhaitez-vous réintégrer l’armée congolaise ?

Sultani Makenga : "C’est difficile d’intégrer une chose qui n’existe pas. Le Congo n’a pas d’armée. Discutons-en a Kampala pour créer une vraie armée. Nous sommes tous des Congolais."

Dans le cadre des accords du 23 mars 2009, les ex-membres du CNDP ont toujours refuse d’être déployés hors de l’Est du pays. En cas d’accord, pourriez-vous enfin l’accepter ?

Sultani Makenga : " L’ex-CNDP devait rester dans l’Est pour traquer les forces négatives étrangères. Après seulement, nous aurions suivi d’autres phases. Si les problèmes sont résolus, on peut aller partout en mission, même en Angola, au Congo-Brazza, en Centrafrique."

Puisqu’on parle du CNDP, quelle image gardez-vous de Laurent Nkunda ?

Sultani Makenga
: "Il était notre chef. La communauté internationale a dit qu’il était la cause des problèmes et de l’insécurité dans l’Est. Il a donc été écarté. Or aujourd’hui, on voit que c’est le contraire, rien n’a été écarté. Il va revenir comme les autres. Il est Congolais."

Et Bosco Ntaganda, comment le considérez-vous ?

Sultani Makenga
: "Bosco Ntaganda est recherché par la CPI. Il a ses problèmes personnels. Je pense qu’il est en contact avec le gouvernement. Il n’est pas dans le M23. D’ailleurs, si on a des problèmes aujourd’hui, c’est à cause de lui. Il ne peut pas être avec nous. C’est impossible."

Continuez-vous de nier tout lien entre votre mouvement, le Rwanda et l’Ouganda comme l’affirment différents rapports de l’ONU ?

Sultani Makenga
: (sourires) "On a commencé par parler du Rwanda, puis de l’Ouganda. Demain, on finira par citer l’Amérique, l’Angleterre ou d’autres pays. C’est la propagande de Kinshasa pour justifier sa faiblesse."

Les rébellions se succèdent dans l’Est de la RDC depuis des années. Pourquoi cette instabilité ?

Sultani Makenga
:"Il n‘y a pas de différence en Mwze (NDLR : Laurent-Désiré Kabila) et Joseph Kabila. Ce sont les mêmes, ce qui montre qu’il y a problèmes au Congo depuis 1996-1997. Cela montre les responsabilités du pouvoir."

La paix est-elle possible, un jour, dans la région ?

Sultani Makenga
: "Tout dépend de la volonté du gouvernement de Kinshasa. Nous voulons la paix c’est pour cela que nous nous sommes retirés de Goma. Mais, si le gouvernement veut qu’on aille à Kinshasa, on le fera."


Propos recueillis par Nicolas Pinault à Rumangabo
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