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Nouveau renvoi du procès de trois figures de la contestation anglophone au Cameroun


Des avocats venus soutenir l’un de leurs collègues en attente de jugement au Tribunal militaire de Yaoundé, Cameroun, 2 février 2017. (VOA/Emmanuel Jules Ntap)
Des avocats venus soutenir l’un de leurs collègues en attente de jugement au Tribunal militaire de Yaoundé, Cameroun, 2 février 2017. (VOA/Emmanuel Jules Ntap)

Le procès de trois figures de la contestation anglophone au Cameroun, poursuivis notamment pour "terrorisme", a continué devant le tribunal militaire de Yaoundé avant d'être aussitôt renvoyé au 23 mars.

Le procès de Félix Agbor Nkongho, avocat, Neba Fontem Aforteka'a, enseignant, et Mancho Bibixy dit "BBC", animateur de radio, arrêtés en janvier, s'est ouvert en présence d'une multitude d'avocats.

Plus de 160 avocats se sont constitués pour assurer leur défense. Le procès qui devait initialement débuté le 1er février avait été reporté au 13.

Les accusés sont poursuivis pour "coaction d'actes de terrorisme, sécession, révolution, insurrection, incitation à la guerre civile (notamment)", selon l'acte d'accusation, charges passibles de la peine de mort.

Lors de la première audience de leur procès, les trois accusés ont plaidé "non coupable". L'audience a été consacrée aux préliminaires, sans débat de fond, et le tribunal a renvoyé le procès au 23 mars pour permettre au ministère public de présenter la liste de ses témoins.

"Nous n'avons pas encore achevé nos investigations. Nous continuons à enregistrer des victimes", a expliqué le Commissaire du gouvernement (procureur).

Les avocats des accusés se sont offusqués de l'irrespect des règles de procédure demandant aux parties d'échanger les listes de témoins cinq jours avant l'ouverture du procès.

Problème de traduction

Pendant plus de 40 minutes, les avocats ont débattu sur les interprètes anglais et se sont enlisés dans une discussion sur le bilinguisme.

Les avocats de la défense ont noté des lacunes de l’interprète et demandent le report du procès pour ce fait.

Le commissaire du gouvernement s’y est opposé, estimant que les accusés comprennent le français.

"Je les ai reçu et ils s’expriment en français et en anglais. Ils font preuve de mauvaise foi", a déclaré le commissaire du gouvernement à l’attention du Président du tribunal militaire.

Selon le commissaire du gouvernement, le tribunal n’est pas tenu de s’exprimer exclusivement dans la langue des accusés, même si les efforts sont nécessaires en raison du bilinguisme en vigueur au Cameroun.

La liberté d'expression

Ce procès touche "à la liberté de penser, à la liberté de conscience", a estimé Me Charles Tchoungang, l'un de leurs avocats.

"D'où vient-il qu'en 2017 un procès sur les idées puisse avoir lieu?" s'est-il interrogé: "Allons-nous concourir à bâillonner la liberté de parole?".

"Être en désaccord ne signifie pas que l’on est contre l’Etat. L’accusation selon lui cherche à marquer les esprits", a ajouté Me Monthé, l’un des avocats des leaders anglophones.

MM. Agbor Nkongho et Neba Fontem ont été arrêtés en janvier. Il s'agit de deux figures de la Cameroon Anglophone Civil Society Consortium (Cacsc), une organisation favorable au fédéralisme interdite en janvier. Les appels de ce mouvement à des journées "ville morte" dans les zones anglophones ont très suivis.

Mancho "BBC" a été également arrêté en janvier. Il est présenté comme l'un des chefs de file de la révolte à Bamenda, épicentre de la contestation.

Depuis novembre, la contestation a gagné le nord-ouest et le sud-ouest du Cameroun, deux régions anglophones (sur les dix que compte le pays) traditionnellement frondeuses envers le régime du président Paul Biya.

La minorité anglophone - environ 20% de la population estimée à 22 millions - se dit marginalisée. Suite aux manifestations, le gouvernement a coupé l'internet dans les deux régions.

Emmanuel Jules Ntap, correspondant à Yaoundé

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