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Le Liberia reprend en main sa sécurité, entre fierté et crainte


Des policiers dispersent la foule autour d'un corps suspecté d'être atteint du virus d'Ebola le 14 août 2014.
Des policiers dispersent la foule autour d'un corps suspecté d'être atteint du virus d'Ebola le 14 août 2014.

Le transfert jeudi par l'ONU au Liberia de ses compétences en matière de sécurité partage les Libériens: certains comme Dao sont fiers de voir leur pays recouvrer une mission régalienne, mais d'autres comme John, sceptiques, préfèreraient que cela relève "pour toujours" des Nations unies.

"Le dispositif libérien est prêt à assumer cette grande responsabilité", assure à l'AFP le ministre de l'Information, Eugene Nagbe, balayant les craintes et doutes exprimés par ses compatriotes qui seront appelés à élire un nouveau président en 2017.

La Mission de l'ONU au Liberia (Minul), dont les effectifs ont culminé à 15.000 hommes, a été chargée d'assurer la sécurité et la protection de la population à son déploiement, en 2003, après 14 ans de guerres civiles.

Le conflit a fait 250.000 morts, poussé des milliers d'habitants à fuir, ruiné l'économie et déstructuré les forces de défense et de sécurité du pays, alors un mélange hétéroclite de loyalistes, ex-rebelles et miliciens.

Après une remise à plat, de nouveaux policiers et militaires ont été formés, notamment par des sociétés privées financées par les Etats-Unis et par l'ONU. Mais la Minul a continué de "sécuriser les infrastructures publiques de base, notamment les ports et les aéroports", les transferts de fonds et les prisons.

Officiellement, elle rend jeudi au gouvernement les dernières "compétences en matière de sécurité" qu'elle exerçait, bouclant un processus entamé en 2015 dans ce pays pauvre aux frontières poreuses peuplé de 4,3 millions d'habitants.

Ce passage de relais réjouit certains, surtout dans les milieux officiels. C'est le cas de Dao Freeman, chef adjoint de la police nationale. Il est issu des premières promotions de la police refondée, sensibilisée à la lutte contre la corruption et au respect des droits de l'homme.

"Tout ce que je sais du maintien de l'ordre, je l'ai appris avec la Minul", affirme M. Freeman. "Je crois que nous pouvons assumer la responsabilité de la sécurité du Liberia", ajoute-t-il, estimant toutefois qu'en raison des leurs faibles effectifs, les forces libériennes devraient continuer à se former et être dotées de moyens.

"Que la Minul reste"

Selon un rapport de l'ONU, les forces libériennes comptaient 5.170 policiers et 2.050 militaires à la mi-février. A la même date, la Minul comptait 1.155 policiers et 3.371 militaires, des effectifs appelés à se réduire progressivement.

Mais leurs moyens ne sont pas les mêmes. Le budget de l'Etat libérien pour la sécurité est estimé à 90,8 millions de dollars (plus de 81,6 millions d'euros) dans la loi de Finances 2016-2017 devant encore être approuvée par le Parlement. Soit moins d'un quart du budget annuel de la Minul, de 344,7 millions de dollars (plus de 310 millions d'euros).

Certains habitants se disent peu rassurés par ce transfert de compétences et racontent d'amères expériences de racket, corruption ou abus de pouvoir par des porteurs d'uniformes, eux-mêmes mal payés et sous-équipés. Avec la palme de la mauvaise réputation pour les policiers.

Catherine Gayflor, vendeuse à l'étal, évoque des saisies arbitraires de marchandises de certains de ses collègues par des forces de l'ordre. "Quand on dit qu'on redoute le départ de la Minul, les gens disent qu'ils (les Casques bleus) ont formé nos forces de sécurité. Mais (...) on a vu comment nos policiers pouvaient nous battre", dit-elle.

"Moi, je préfèrerais que la Minul reste" en charge de la sécurité, clame John Gweh, 56 ans, agriculteur qui ne cache pas sa méfiance envers les membres des forces de sécurité et craint qu'ils ne traitent "les civils comme des animaux".

Le ministre Eugene Nagbe reconnaît qu'il y a "des défis" à relever pour la sécurité du pays. Mais, avance-t-il, l'essentiel est fait, des efforts sont en cours pour améliorer la situation. "Nous continuons de renforcer notre dispositif dans la logistique, la formation et les salaires des forces de sécurité".

Selon l'ONU, la situation en matière de sécurité au Liberia est généralement "stable", en dépit de difficultés pour les institutions libériennes "à intervenir avec rapidité et efficacité en cas d'atteintes violentes à l'ordre public".
Avec AFP

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