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Le calvaire au quotidien des habitants de Tripoli


Une colonne de fumée s'élève d'un dépôt d'essence en flammes à Tripoli, la capitale libyenne, où s'affrontent des milices rivales, lundi 28 juillet 2014.
Une colonne de fumée s'élève d'un dépôt d'essence en flammes à Tripoli, la capitale libyenne, où s'affrontent des milices rivales, lundi 28 juillet 2014.

Soudain, des tirs retentissent. Les rideaux de fer des magasins s'abaissent, les voitures font demi-tour, la rue se vide. En quelques minutes, la situation peut rapidement dégénérer dans la capitale libyenne.

"Nous vivons à la merci d'hommes obsédés par les armes, la violence et le pouvoir au détriment des pauvres gens comme nous", déplore Abdelalim al-Hajj Ali, bloqué avec sa fille dans une pâtisserie, attendant la fin d'affrontements entre deux groupes armés sur l'avenue commerçante de Syahiya.

"La situation de notre pays est dramatique", se lamente cet enseignant de 48 ans, alors que dehors, l'avenue est transformée en champs de bataille.

Le bruit des tirs se mêle aux crissements des pneus des pick-up équipés de canons anti-aériens, arme de prédilection des milices.

Comme souvent, les raisons des combats sont inconnues et il est difficile d'en identifier les protagonistes.

Sur leurs véhicules, les miliciens changent d'autocollants au gré de leurs allégeances ou intérêts du jour. Mais toujours ils prennent soin d'arborer un signe d'appartenance à un organe officiel, histoire de se conférer une légitimité, comme: "armée", "ministère de l'Intérieur", ou encore "état-major".

Depuis la chute du régime de Mouammar Kadhafi en 2011, les affrontements sont réguliers et surtout nocturnes, de même que les barrages tenus par des bandes criminelles.

Si les embouteillages dans les rues de la capitale créent une illusion de normalité, les déplacements à Tripoli comportent souvent des risques, surtout de nuit.

Pour parer au danger, les Libyens s'échangent des informations sur les réseaux sociaux.

"La route de Ghot Achaal (ouest de Tripoli) n'est pas sûre, il y a une bande criminelle qui vole des voitures sous la menace des armes", écrit un internaute sur le groupe "Safe Path" ("Trajet sûr"), un réseau créé il y a quelques mois sur Facebook et compte déjà plus de 20.000 membres.

"Echanges de tirs du côté de la Route al-Madar (dans la périphérie est de Tripoli). Pause pour l'instant mais attendez-vous à une deuxième mi-temps", avertit un autre.

Comme la sécurité, l'argent fait défaut alors que le pays connaît depuis quelques mois une crise de liquidités sans précédent.

Les files d'attentes devant les banques s'allongent de jour en jour. Les nerfs sont à bout. Des rixes éclatent au moindre prétexte.

Le quotidien des Libyens est devenu un vrai calvaire, rythmé en plus par des pénuries d'électricité, de carburant ou de bonbonnes de gaz sans compter une hausse vertigineuse des prix.

Le gouvernement d'union nationale (GNA), dirigé par Fayez al-Sarraj et appuyé par l'ONU, s'est montré incapable d'assurer la bonne marche des services publics. Et la situation a même empiré depuis son entrée en fonction en mars 2016.

"C'est pénible de voir les Libyens vivre dans l'obscurité, la pauvreté et la peur constante alors qu'ils ont une mer de pétrole dans leur sous-sol", regrette Abdelalim.

"Les Libyens détruisent systématiquement leur propre pays et le reprochent aux autres. Il faudra bien plus que Sarraj (...) pour réparer la Libye", lance sa fille Sara.

"Nous avons espéré qu'avec le (GNA) la situation s'améliorerait (...) mais elle s'est dégradée", se plaint aussi Mariam Abdallah, 50 ans, secrétaire dans une agence de voyage.

"Les gens sont fatigués et déprimés. L'anniversaire de la révolution (du 17 février) est tout proche et personne n'a envie de le célébrer", regrette-t-elle.

Tarek Megirissi, analyste libyen, qualifie la situation économique de "grave". "Les produits de base sont de plus en plus rares et chers alors que la pénurie de liquidités s'aggrave", avertit-il.

"Les services s'effondrent et aucune entité politique semble capable de gouverner. Au contraire, elles sont préoccupées par un bras-de-fer pour obtenir le pouvoir absolu", ajoute-t-il.

Pour Selma Fathi, 53 ans, il y a cependant "encore de la place pour l'optimisme".

"J'ai un grand espoir de voir la Libye se relever de nouveau grâce à ses jeunes", dit cette mère de famille dans une file d'attente devant une banque.

Avec AFP

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