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L'Angola, la fin de l'Eldorado pour les émigrés portugais


Un policier angolais sur le stade de Ombaka lors de la demi-finale à Benguela, le 28 janvier 2010.
Un policier angolais sur le stade de Ombaka lors de la demi-finale à Benguela, le 28 janvier 2010.

Poussée par la crise économique, Marina Pereira avait décroché un emploi en Angola, terre de refuge pour les émigrés portugais. Mais la brusque chute des cours du pétrole a brisé son rêve d'une vie meilleure, la forçant à rentrer au pays, comme des milliers de ses compatriotes.

"Au début, je gagnais 4.200 euros net par mois, en travaillant dans un spa. J'étais logée et nourrie, c'était le paradis", raconte cette ostéopathe de 33 ans, qui s'était installée en 2012 à Luanda, capitale de l'ancienne colonie portugaise riche en pétrole et diamants, où la langue officielle reste le portugais.

Puis l'euphorie a fait place à la désillusion: "J'ai commencé à être payée en kwanzas, la monnaie locale, et mon revenu mensuel a fondu à 1.000 euros. Le change ne se faisait qu'au marché noir, à un taux prohibitif". Elle est repartie car "la vie à Luanda était devenue bien trop chère".

Le retour en 2015 au Portugal, à peine sorti d'une récession profonde, s'avère brutal. Un salaire de 650 euros pour travailler dans un gymnase, "ce n'est pas suffisant pour avoir une qualité de vie décente", témoigne cette jeune femme à la chevelure noire et au regard pétillant.

Chassés par les troubles qui ont accompagné l'indépendance de l'Angola, quelque 300.000 colons portugais avaient dû plier bagages en 1975. Quarante ans plus tard, le Portugal assiste à une nouvelle vague de "retornados" (ceux qui sont retournés dans leur pays d'origine), contraints de quitter ce pays africain englué à son tour dans la crise.

Cet exode entamé en 2015 est "toujours en cours, mais à un moindre rythme", estime le président de la Chambre de commerce luso-angolaise, Paulo Varela, sans avancer de chiffres.

Crise pétrolière

Alors que l'argent du pétrole coulait à flots à Luanda, qui se rêvait en futur Dubaï, les cours de l'or noir ont commencé à s'effondrer en 2014. Les recettes du pays, qui dispute la place de premier producteur de pétrole d'Afrique subsaharienne au Nigeria, ont été divisées par deux.

Du coup, l'Etat angolais, dont le budget dépend pour 70% du pétrole, a mis un frein à l'investissement public, arrêtant des milliers de chantiers, et limité l'accès aux devises, frappant ainsi de plein fouet les entreprises du bâtiment et des travaux publics.

"De nombreux groupes portugais opérant en Angola n'arrivent plus à payer leurs salariés car ils ont du mal à rapatrier leurs gains", explique Ricardo Pedro Gomes, président de l'Association des entreprises de construction portugaises.

"Sur les 100.000 ouvriers portugais du BTP qui travaillaient en Angola avant la crise, il n'en reste plus que quelques milliers. Et il y a des retards de salaires allant jusqu'à un an", renchérit Albano Ribeiro, dirigeant du syndicat de la construction.

Pedro Dias, un agent commercial de 42 ans employé par un groupe électronique angolais, a assisté aux départs successifs de ses amis, avant de retourner, lui aussi, au Portugal.

A Luanda, il était payé 2.500 à 3.000 euros par mois, et l'entreprise prenait en charge son logement, la voiture et l'alimentation. Des revenus suffisants pour faire vivre sa femme et ses trois enfants, restés au pays.

Mais avec les restrictions de devises, les virements bancaires vers le Portugal ont cessé. "J'ai dû repartir, il fallait bien que ma famille mange", dit-il, les yeux cachés derrière d'épaisses lunettes de soleil.

'Amour-haine'

Aventurier dans l'âme, il assure cependant avoir "la nostalgie de l'Angola". "Si la situation s'améliore, j'y retournerai", promet-il, se remémorant "l'odeur de l'Afrique et de sa savane" qui l'a "marqué à vie".

La vie des émigrés à Luanda est pourtant semée d'embûches.

"En public, on ne parle jamais du régime angolais", dirigé d'une main de fer depuis 37 ans par le président José Eduardo dos Santos, explique Pedro Dias. "Si l'on veut éviter des problèmes, il ne faut pas se mêler de politique".

Quant à Marina Pereira, elle s'est fait agresser en plein jour "avec une arme pointée sur la tête, par des enfants de dix ou onze ans." Elle se souvient aussi d'avoir "attrapé la malaria et la fièvre jaune" et "failli mourir".

Mais malgré cela, "l'Angola me manque, c'est une relation amour-haine, j'ai toujours été fascinée par l'Afrique", sourit-elle, évoquant des "plages merveilleuses" et "l'odeur de la terre humide".

D'où l'idée de repartir dans une autre ex-colonie portugaise: Sao Tomé-et-Principe, une île située au large du Gabon. Sa valise rose fuchsia, posée à même le sol dans l'entrée de son logement modeste au centre de Lisbonne, est déjà prête.

Avec AFP

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