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Haïti: dialogue au point mort à l'approche de la fin du mandat du président provisoire


Manifestation pour la démission du président Martelly, le 23 janvier 2016 à Port-au-Prince. (REUTERS/Andres Martinez Casares)
Manifestation pour la démission du président Martelly, le 23 janvier 2016 à Port-au-Prince. (REUTERS/Andres Martinez Casares)

Les manifestations des détracteurs et partisans du président provisoire se succèdent dans les rues de Port-au-Prince, la capitale haïtienne, alors qu'aucune solution n'a été trouvée par les parlementaires pour éviter au pays de plonger dans un nouveau vide du pouvoir présidentiel.

Haïti est plongée dans une crise politique profonde depuis que le processus électoral a été suspendu en janvier, en raison des accusations de l'opposition de l'époque, dénonçant un "coup d'Etat électoral" fomenté par Michel Martelly, l'ancien président.

Après des reports successifs du second tour de la présidentielle, Michel Martelly a achevé son mandat le 7 février sans remettre le pouvoir à un successeur élu. Un accord de sortie de crise, signé entre le pouvoir exécutif et le Parlement, a permis l'élection le 14 février de Jocelerme Privert, à l'époque président du Sénat, au poste de président provisoire pour un mandat de trois mois.

Pour faire la lumière sur les scrutins contestés de 2015, Jocelerme Privert a installé jeudi dernier une commission d'évaluation électorale, qui constitue aujourd'hui la pomme de discorde entre les deux camps refusant tout dialogue.

Les sympathisants du parti PHTK (Parti haïtien tet kale) de l'ancien président Martelly considèrent cette commission comme une manoeuvre pour éliminer leur candidat à la présidentielle, Jovenel Moïse. Ce dernier, arrivé en tête du premier tour de scrutin, a confirmé à l'AFP mardi qu'il était "contre cette commission de falsification et de sélection".

En réponse, les partisans de Jocelerme Privert ont défilé par centaines mercredi dans les rues de Port-au-Prince.

"On soutient Privert et il n'a pas à se soucier des gens de PHTK car la commission de vérification est la plus belle chose qu'il pouvait faire pour nous, le peuple", a assuré un manifestant, Pierre Paul Milot.

- Ingérence -

Les partisans du président provisoire ne cessent également de dénoncer l'ingérence de la communauté internationale, Etats-Unis en tête, qui a financé en majorité le budget des élections.

Mi-avril, dans une interview à un média de Miami, le secrétaire d'Etat américain John Kerry avait déclaré que "les acteurs haïtiens, les soi-disant dirigeants, doivent comprendre qu'il y a une limite claire à la patience et à la volonté de la communauté internationale à tolérer ce retard dans le processus électoral".

"Qui est John Kerry pour parler ainsi: a-t-il posé sa candidature à une élection d'Haïti?", s'est insurgé Pierre Paul Milot. "Qu'il aille plutôt s'occuper de la présidentielle qui va avoir lieu dans son pays", a-t-il lancé.

Sans l'existence d'un consensus politique, l'accord de sortie de crise, qui prévoyait la tenue des élections présidentielle et législatives le 24 avril, n'a pas été respecté: il revient désormais au Parlement de statuer sur le devenir du président provisoire. Car Jocelerme Privert se trouve dans l'impossibilité de remettre le 14 mai le pouvoir à un chef d'Etat élu.

Mais le temps risque là encore de manquer, car la Constitution prévoit le départ en vacances des députés pour le lundi 9 mai. Devant la proximité de cette nouvelle échéance, les négociations à huis clos s'intensifient, mais l'existence de l'actuelle commission de vérification électorale cristallise les tensions.

- Absence de calendrier -

"Nous ne sommes pas opposés à une commission qui ferait la lumière sur les élections de 2015", a assuré à l'AFP Gary Bodeau, député du bloc majoritaire, favorable à M. Martelly.

"Mais ce qui est en place maintenant est une commission politique avec un agenda politique", dénonce le parlementaire, expliquant sur les réseaux sociaux que "les jours du président provisoire sont comptés".

A l'inverse, le député Jerry Tardieu considère que le maintien de Jocelerme Privert à son poste est "la solution la plus plausible".

Il explique à l'AFP que "même quand il y aurait une rallonge du mandat présidentiel de décidée, le problème est l'absence de calendrier électoral: il faut que cette rallonge soit décidée pour une certaine durée de temps".

Sur l'échiquier politique haïtien, aucun acteur n'est encore disposé à faire le premier pas: les députés attendent que le conseil électoral provisoire fixe une nouvelle date pour la tenue des scrutins, mais ce conseil s'est déclaré incapable de fournir un calendrier devant l'absence de consensus entre les acteurs impliqués dans la crise.

Cette paralysie du système politique perdure alors qu'une large majorité des citoyens, dont moins d'un quart avait participé au premier tour de la présidentielle, lutte quotidiennement contre l'extrême pauvreté et l'insécurité alimentaire.

Avec AFP

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