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Le chef du gouvernement espagnol cité comme témoin au procès d'un réseau de corruption


Mariano Rajoy, chef du gouvernement espagnol
Mariano Rajoy, chef du gouvernement espagnol

Pour la première fois en Espagne, Mariano Rajoy va comparaître en tant que témoin dans un procès pour corruption, fléau qui lui a fait perdre sa majorité parlementaire, a-t-on appris mardi auprès du tribunal.

"Il est cité comme témoin. La date n'a pas encore été fixée", a déclaré à l'AFP un porte-parole de l'Audience nationale, tribunal chargé de juger notamment les affaires politico-financières.

Cette annonce a aussitôt fait les gros titres en Espagne où M. Rajoy préside le Parti populaire (PP, droite) depuis plus de 12 ans et le gouvernement conservateur depuis 2011.

"M. Rajoy sera le premier président du gouvernement en exercice à devoir comparaître comme témoin devant un tribunal" en Espagne, a confirmé à l'AFP l'historien Jaume Munoz, auteur de "L'Espagne corrompue".

En 1998, les anciens chefs du gouvernement Adolfo Suárez (droite) et Felipe Gonzalez (gauche) avaient dû le faire dans deux affaires distinctes, mais ils n'étaient plus au pouvoir.

M. Rajoy, 62 ans, sera entendu au procès dit du réseau Gurtel, actuellement en cours dans la banlieue de Madrid.

Trente-sept personnes - dont plus de douze anciens élus et ex-responsables de son parti - y sont jugées depuis octobre, soupçonnées d'avoir participé à un réseau sophistiqué de détournement de fonds publics entre 1999 et 2005.

- Commissions de 2 à 3% -

Selon l'accusation, ce réseau était dirigé par l'homme d'affaires Francisco Correa qui versait des pots-de-vin et offrait d'importants cadeaux à des fonctionnaires et des élus pour qu'ils attribuent des marchés publics à certaines entreprises "amies".

L'affaire avait entraîné la démission en 2014 de la ministre de la Santé Ana Mato (PP), dont l'ex-mari est actuellement jugé pour avoir bénéficié des largesses du réseau quand il était maire de la ville de Pozuelo de Alarcon entre 2003 et 2009. Entre autres cadeaux, M. Correa lui avait acheté une Jaguar.

Après plusieurs années en détention provisoire, M. Correa a parlé au procès: si les entrepreneurs obtenaient un contrat, "ils nous passaient 2 à 3%" du montant, a-t-il dit. Il avait auparavant affirmé avoir remis une grande partie de ces commissions en liquide à un trésorier du PP, Luis Barcenas.

Lors d'une audience publique en janvier, M. Barcenas a tout nié, tout en admettant que le parti disposait de "ressources qui n'apparaissaient pas dans sa comptabilité officielle".

Autrefois agressif vis-à-vis du PP, il a soudain semblé défendre M. Rajoy, en assurant que le président du PP avait ordonné en 2003 de ne plus utiliser les services de M. Correa, "dès qu'on lui avait rapporté qu'il se consacrait à des activités illicites".

'Sois fort'

M. Rajoy n'a jamais assumé de responsabilité dans cette affaire.

Mais, dans un entretien télévisé en 2016, il avait regretté avoir envoyé trois ans plus tôt le sms "Luis, sois fort" à M. Barcenas, qui venait d'être mis en cause pour la détention de comptes en Suisse abritant des dizaines de millions d'euros.

"M. Rajoy va (au procès) comme témoin parce que le parti conservateur a de la corruption plein ses valises", a commenté à la télévision Cuatro le porte-parole du petit parti centriste Ciudadanos -pourtant allié du gouvernement - Fernando de Paramo.

Le dirigeant du parti de gauche radicale Podemos, Pablo Iglesias, a ironisé sur Twitter: "beaucoup de corrompus au PP. On le comprend, Mariano. Sois fort".

Le gouvernement s'est contenté de rappeler qu'il ne commentait "jamais les décisions judiciaires et les respectait toujours".

Les nombreux scandales de corruption affectant le PP avaient contribué à lui faire perdre la majorité au Parlement en décembre 2015.

Mais les affaires ont également impliqué d'autres formations et syndicats, et jusqu'à un beau-frère du roi, récemment condamné à six ans de prison pour détournements de fonds publics.

L'Espagne est à la 41e place sur 176 dans le dernier indice sur la perception de corruption publié par Transparency international, soit son pire classement.

Dans l'affaire Gurtel, le PP n'est mis en cause que pour sa responsabilité civile, comme "bénéficiaire" présumé de fonds obtenus par des maires, car le délit de financement illégal de parti n'existe en Espagne que depuis 2015.

Avec AFP

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