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Dilma Rousseff dénonce un "coup d'Etat" à son procès en destitution


La présidente suspendue Dilma Rousseff, with a text à Brasilia, Brésil, le 28 août 2016.
La présidente suspendue Dilma Rousseff, with a text à Brasilia, Brésil, le 28 août 2016.

La présidente du Brésil Dilma Rousseff a dénoncé lundi un "coup d'Etat", se disant victime d'un procès "injuste et arbitraire", dans une plaidoirie de la dernière chance devant le Sénat avant sa probable destitution mardi ou mercredi.

"Je viens pour vous regarder dans les yeux, messieurs les sénateurs, et dire que je n'ai commis aucun crime de responsabilité, je n'ai pas commis les crimes pour lesquels je suis jugée injustement et arbitrairement accusée", a déclaré la dirigeante de gauche, l'air sombre face à l'hémicycle.

Vêtue d'une jupe noire et d'une veste grise ornée de fleurs brodées, Mme Rousseff a fustigé "un coup d'Etat pour élire indirectement un gouvernement usurpateur" et rappelé qu'elle avait été élue par 54 millions de Brésiliens.

"Nous sommes à un pas d'une grave rupture institutionnelle, de la concrétisation d'un authentique coup d'Etat", a-t-elle lancé sur un ton combatif

"Votez contre l'impeachment, votez pour la démocratie", a conclu Mme Rousseff, au terme d'un plaidoyer de 30 minutes.

A son arrivée vers 12H00 GMT, elle avait été accueillie par plusieurs centaines de ses partisans qui scandaient "Dilma, guerrière de la patrie brésilienne!" avec des pancartes du Parti des travailleurs (PT) et des fleurs à lui remettre en guise d'encouragement.

"Je suis venu pour défendre nos droits, les droits que les putschistes veulent nous arracher. Tout ça, c'est une farce, un complot de la droite", a témoigné l'un d'eux, Luis Saraiva, employé d'un commerce de 43 ans.

Même si tous les pronostics lui sont défavorables, l'ex-guérillera de 68 ans, emprisonnée et torturée sous la dictature militaire (1964-1985), est venue à ce rendez-vous historique "décidée, préparée pour la bataille", a déclaré aux journalistes le député Silvio Costa (PT do B, parti allié du PT).

Chico Buarque et Lula

Pour affronter les sénateurs, dont plus des deux tiers requis sont favorables à l'"impeachment" selon les comptages des médias, elle était accompagnée de son mentor politique, l'ex-président Luiz Inacio Lula da Silva (2003-2010), du célèbre chanteur-compositeur engagé à gauche Chico Buarque, et d'une douzaine d'anciens ministres.

Depuis des mois, la première femme élue à la tête du Brésil en 2010 clame son innocence et dénonce un complot ourdi par le principal bénéficiaire de la manoeuvre : son ancien vice-président devenu rival, Michel Temer (PMDB, centre droit), 75 ans.

M. Temer assure l'intérim depuis sa suspension le 12 mai par un vote de plus des deux tiers des sénateurs. Si Mme Rousseff est destituée, il assumera officiellement la présidence jusqu'à la fin de son mandat et les prochaines électionsprésidentielle et législatives fin 2018.

A l'issue de son discours, Mme Rousseff a accepté les questions des parlementaires, dont plus de la moitié sont soupçonnés de corruption ou visés par une enquête.

Devaient suivre de longs débats et le vote final, attendu mardi ou mercredi. Un "oui" des deux tiers des sénateurs - 54 sur 81 - est requis pour prononcer la destitution.

Si Mme Rousseff est écartée du pouvoir, elle ne pourra plus occuper de fonctions publiques pendant huit ans. Si elle est innocentée, cette économiste dont la popularité stagne à 13% retrouvera son mandat.

Ambiance houleuse

Dans une ambiance souvent houleuse, les sénateurs ont débattu depuis jeudi, sous la direction du président du Tribunal suprême fédéral (STF) Ricardo Lewandowski, sur le "crime de responsabilité" reproché à la présidente : le maquillage des comptes publics pour dissimuler l'ampleur du déficit et l'approbation de décrets engageant des dépenses sans l'approbation du Parlement.

Elle a commis "la plus importante fraude fiscale de l'histoire du pays", a clamé le sénateur Cassio Cunha Lima (PSDB-PB, droite). "Il n'y a rien d'illégal" dans ces agissements, a rétorqué l'ex-ministre de l'Economie Nelson Barbosa, entendu comme témoin.

Tous ses prédécesseurs ont eu recours à ces pratiques, sans être inquiétés.

Mais alors que la première économie d'Amérique latine traverse une récession historique, avec 11 millions d'habitants au chômage et un déficit budgétaire de plus de 45 milliards de dollars, le climat politique s'est brutalement tendu.

La grogne sociale s'est envenimée avec le méga-scandale de corruption au sein du géant étatique pétrolier Petrobras, qui éclabousse tout autant le PT que le parti de M. Temer et la majeure partie de l'élite politique.

Et même l'étoile de Lula, un temps pressenti pour une nouvelle candidature en 2018, a pâli : l'emblématique ex-ouvrier devenu président a été inculpé de tentative d'entrave à la justice, corruption passive et blanchiment d'argent dans l'affaire Petrobras.

Tout aussi impopulaire que sa rivale, Michel Temer hériterait si elle est destituée d'un pays terni par la crise et la corruption. Dès mardi ou mercredi, il s'envolera en Chine pour un sommet du G20 où il compte bien redorer le blason du géant latino-américain.

Avec AFP

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