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Des experts américains ouvrent la porte à la modification génétique de l'ADN humain


Une illustration d’artiste d’une double hélice d’ADN publiée le 12 mai 2012.
Une illustration d’artiste d’une double hélice d’ADN publiée le 12 mai 2012.

Un groupe d'experts influents de l'Académie américaine des sciences s'est prononcé en faveur de la modification de l'ADN des cellules reproductrices et d'embryons humains pour éliminer des maladies et des malformations héréditaires graves, relançant le débat éthique sur ce sujet très controversé.

Les autorités britanniques avaient ouvert la voie en autorisant en février 2016 la manipulation d'embryons à des fins de recherche sur le traitement d'un ensemble de pathologies.

Cette décision et les nouvelles recommandations de l'Académie américaine des sciences inquiètent nombre de chercheurs qui craignent que ces techniques d'édition génétique ne soient un jour utilisées pour accroître l'intelligence ou créer des personnes dotées de traits physiques particuliers.

Dans un rapport rendu public mardi soir, l'Académie souligne que la manipulation de gènes portant sur les cellules reproductrices "ne devrait être permise que pour traiter ou prévenir des maladies graves".

En outre, ces manipulations devront être très encadrées, effectuées "sous un contrôle très strict" et en toute transparence.

Les experts notent que l'édition de l'ADN des cellules somatiques (qui ne portent pas des traits héréditaires) fait déjà l'objet de nombreux essais cliniques.

Ils sont donc également favorables "à des essais cliniques sur l'édition du génome humains germinal, transmissible de génération en génération, en ajoutant, retirant ou remplaçant des gènes pour éliminer des maladies graves".

Ils pensent aussi qu'il devrait y avoir une consultation publique étendue avant "d'autoriser des essais cliniques d'édition du génome germinal pour tout autre objectif que le traitement ou la prévention de pathologies ou d'infirmités".

"L'édition du génome humain est très prometteuse pour comprendre, traiter ou prévenir de nombreuses maladies génétiques dévastatrices et pour améliorer le traitement d'un grand nombre d'autres pathologies", fait valoir Alta Charo, professeur de droit et de bioéthique à l'Université du Wisconsin-Madison, co-présidente du comité qui a dirigé cette étude.

- Risque d'eugénisme -

"Mais la manipulation du génome pour seulement améliorer les traits physiques ou les capacités suscitent des inquiétudes sur le fait de savoir si les bienfaits sont supérieurs aux risques et si cette technique pourrait n'être accessible qu'à un petit nombre de personnes privilégiées", souligne-t-elle.

La technologie d'édition génétique progresse très rapidement, ce qui fait que la manipulation de la partie héréditaire du génome de l'embryon humain, du sperme, des ovocytes et des cellules souches "sera possible dans un avenir proche et que cela mérite d'être envisagé sérieusement", pointe le rapport.

Actuellement, l'édition de l'ADN des cellules reproductrices humaines n'est pas autorisée aux Etats-Unis en raison de l'interdiction pour l'Agence des médicaments (FDA) d'utiliser des fonds fédéraux pour examiner "des recherches dans lesquelles un embryon humain est créé ou modifié pour y ajouter un trait génétique pouvant être hérité".

Plus de quarante pays ont signé une convention internationale qui interdit la manipulation génétique pouvant modifier la lignée humaine.

En 2015, le Comité international de bioéthique de l'Unesco avait appelé à un moratoire sur les techniques d'édition de l'ADN des cellules reproductrices humaines afin d'éviter une modification "contraire à l'éthique" des caractères héréditaires des individus, qui pourrait faire resurgir l'eugénisme.

Toutefois, peu après, en décembre 2015, les organisateurs d'un sommet international sur l'édition du génome humain, dont notamment les Académies des sciences américaine et chinoise, avaient conclu que la recherche fondamentale et pré-clinique devait se poursuivre, vu son potentiel médical, mais être étroitement supervisée sur les plans légal et éthique.

Pour Marcy Darnovsky, directrice de l'ONG "Center for Genetics and Society", les dernières recommandations et conclusions du rapport de l'Académie des sciences "sont troublantes et décevantes".

"Bien que le rapport appelle à la prudence, cette recommandation constitue en fait un feu vert pour procéder à une modification du patrimoine héréditaire humain en modifiant des gènes et des traits qui seront transmis aux futures générations", ajoute-t-elle.

"Ce rapport représente une position radicalement différente de l'accord international sur la modification de l'ADN humain qui devrait rester hors limites", estime Marcy Darnovsky.

Avec AFP.

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