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Cinquantenaire de la guerre du Biafra entre frustration et espoir


Une manifestation en soutien au leader pro-Biafra Nnamdi Kanu, le 1er décembre 2015 à Abuja.
Une manifestation en soutien au leader pro-Biafra Nnamdi Kanu, le 1er décembre 2015 à Abuja.

Le Nigeria commémore mardi dans un climat tendu l'anniversaire de la proclamation d'indépendance du Biafra (sud-est), théâtre d'une terrible guerre civile de 1967 à 1970 et où les revendications sécessionnistes refont surface cinquante ans plus tard.

Les principaux groupes indépendantistes, le Mouvement pour les peuples indigènes du Biafra (Ipob) et le Mouvement pour la réalisation de l'Etat souverain du Biafra (Massob) ont prévu une journée morte, appelant la population à "rester chez soi" pour commémorer la création de la République du Biafra, le 30 mai 1967.

Beaucoup craignent des éruptions de violences et les forces de l'ordre nigérianes seront en "alerte rouge" dans les points chauds de l'ex-Biafra, comme Aba (Etat d'Abia) et Onitsha (Etat d'Anambra) où des manifestations ont tourné au bain de sang l'an dernier.

Après trois années de guerre et plus d'un million de morts, les soldats biafrais, dix fois moins nombreux et équipés que l'armée fédérale, ont déposé les armes en 1970 et dit adieu à leurs rêves de sécession.

Mais cinquante ans plus tard, l'histoire du Biafra reste un sujet extrêmement sensible au Nigeria.

"Le Nigeria n'a rien fait pour nous depuis la fin de la guerre. Nous n'avons ni routes, ni infrastructures, ni travail", affirme à l'AFP John Ahaneku, un militant de 48 ans. "Il est temps d'achever ce que nos pères ont commencé".

Les frustrations des Igbo - majoritaires dans le sud-est - ont grandi au fil des décennies. Durant les longues années de régimes militaires qui ont suivi la guerre, ils se sont sentis exclus du pouvoir économique et politique, dominé par les Haoussa-Foulani et les Yorouba, les deux autres principaux groupes ethniques du pays. Ce n'est qu'après le retour à la démocratie, en 1999, que les aspirations sécessionnistes ont peu à peu refait surface.

Les principaux groupes indépendantistes actuels réclament la tenue d'un référendum d'autodétermination.

Ils accusent l'ancien général Muhammadu Buhari, musulman originaire du nord élu président en 2015, de réprimer violemment leur liberté d'expression.

L'arrestation et l'incarcération fin 2015 du leader de l'Ipob, Nnamdi Kanu pour trahison a constitué un tournant. Amnesty International a accusé les forces de sécurité nigérianes d'avoir tué "au moins 150 membres et partisans" de l'Ipob au cours de l'année dernière - ce qu'Abuja nie en bloc.

Au moins 60 d'entre eux ont été tués lors des commémorations de la guerre civile du Biafra le 30 mai 2016 à Onitsha, selon l'ONG.

Solidarités autonomistes

Jeudi, le vice-président Yemi Osinbajo a mis en garde contre les risques d'éclatement, dans un pays composé de près de 250 groupes ethniques, et divisé entre un nord musulman et un sud chrétien.

Le cinquantenaire de la proclamation d'indépendance du Biafra est "l'occasion de mener une instrospection individuelle et collective" a-t-il affirmé.

"Certain suggèrent aujourd'hui que nous devons revenir aux nationalités ethniques à partir desquelles s'est formé le Nigeria", a-t-il dit. "De toute évidence, notre force se trouve dans notre diversité, nous sommes meilleurs ensemble que séparés".

Les autorités d'Abuja sont aujourd'hui confrontées à une multitude de revendications autonomistes plus ou moins violentes qui menacent l'unité du pays.

Dans la région pétrolifère du Delta du Niger - qui faisait partie du Biafra indépendant au début de la guerre - les sabotages de groupes rebelles armés ont fait chuter en 2016 la production d'or noir, impactant lourdement l'économie du géant ouest-africain.

Malgré des intérêts divergents, groupes pro-Biafra et rebelles du Delta ont publiquement exprimé leur solidarité réciproque dans la lutte qu'ils mènent.

Vendredi, la police nationale a dénoncé les "manifestations prévues" mardi, "les consignes visant à fermer les marchés et à restreindre illégalement la circulation" par les groupes indépendantistes, appelant les Nigérians à les ignorer.

Les forces de l'ordre "n'hésiteront pas à traiter fermement tout groupe et ses soutiens qui tenteront de perturber la paix", a prévenu un porte-parole de la police, Jimoh O. Moshood.

Selon des spécialistes, la répression opposée jusque-là aux manifestations indépendantistes n'est pas la bonne réponse et a eu pour conséquence de radicaliser davantage la jeunesse du sud-est.

Une étude de terrain menée en mai par la société de conseil SBM Intelligence, basée à Londres, a montré qu'"il y avait un soutien croissant pour un Biafra (indépendant) dans les régions du sud et du sud-est".

Au total, 42% des personnes interrogées appellent de leurs voeux la renaissance du Biafra, tandis que près de la moitié (49,3%) voient leur avenir dans un Nigeria uni, mais à condition de pratiquer un "vrai fédéralisme".

"Vous ne pouvez pas tuer une idéologie avec une arme", souligne Don Okereke, qui dirige le cabinet de consultance en sécurité Holistic Security Background Checks.

Avec AFP

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