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Au Maroc, un cheikh salafiste à la conquête des électeurs


Le Palais de justice de Salé, au Maroc, 27 octobre 2011.
Le Palais de justice de Salé, au Maroc, 27 octobre 2011.

Sa candidature est la grosse surprise des législatives d'octobre au Maroc: un prédicateur ultra-conservateur se présente à Marrakech en proclamant que le salafisme est le meilleur outil pour combattre le radicalisme violent.

Hammad Kabbaj, 39 ans, a été désigné tête de liste du Parti justice et développement (PJD) dans une circonscription huppée de Marrakech, la célèbre "ville rouge" prisée des touristes.

Tétraplégique depuis l'âge de 16 ans après un accident, le prêcheur, longue barbe poivre et sel, lunettes à épaisses montures noires, jouit d'une forte popularité dans la ville.

"Ma candidature est une décision personnelle, prise après consultations avec des acteurs nationaux", explique M. Kabbaj en recevant l'AFP dans son bureau de Marrakech.

Les législatives du 7 octobre s'annoncent comme un duel serré entre les islamistes du PJD, à la tête du gouvernement de coalition depuis 2011, et leurs rivaux libéraux du PAM (parti fondé par un proche du roi en 2008).

D'autres figures du salafisme se présentent sous l'étiquette d'au moins deux partis, marquant le grand retour de cette doctrine religieuse sur la scène politique marocaine.

"La participation des prédicateurs à la vie politique n'est pas une pratique nouvelle au Maroc, où ils ont pris part aux institutions avant et après l'indépendance" en 1956, rappelle M. Kabbaj.

"Le salafisme marocain diffère des autres mouvements salafistes du monde arabe, car il est adepte de la doctrine malékite modérée, et (...) a été étroitement lié avec la lutte nationaliste marocaine", assure-t-il, refusant toute proximité avec le wahhabisme saoudien.

"Le salafisme est aujourd'hui l'objet de nombreuses attaques, sous prétexte qu'il pousserait vers l'extrémisme et la violence", déclare M. Kabbaj. "Malheureusement, les efforts et initiatives pour briser cette image ne trouvent aucun écho, en particulier dans les médias occidentaux", déplore-t-il.

Crainte 'infondée'

Auteur d'un ouvrage en 2008 sur "le rôle du salafisme dans la lutte contre le terrorisme", le prêcheur dénonce "ceux qui entretiennent les amalgames à des fins politiques", selon lui.

Issu d'une famille de notables de Marrakech, autodidacte très tôt versé dans les études coraniques, Kabbaj s'est fait peu à peu connaître dans les cercles islamistes dans le sillage du prêcheur Mohammed Magraoui, qui avait défrayé la chronique en 2008 en émettant une fatwa autorisant le mariage des fillettes de 9 ans.

Lui-même s'est vu accusé d'antisémitisme après avoir posté fin 2015 sur facebook un hadith prêté au prophète parlant de "tuer" les juifs. "Mes propos ont été décontextualisés", se défend-il aujourd'hui.

"Je suis contre les terroristes de Daech", réaffirme le cheikh, en référence au groupe jihadiste Etat islamique qui a revendiqué de nombreux attentats. "Je suis par principe contre la violence, l'extrémisme ou la haine, qu'elles soient le fait de musulmans ou de non-musulmans".

Pour lui, les "tendances extrémistes de certains jeunes musulmans (...) sont une réaction à la lutte contre l'islam modéré et à la répression du salafisme". A l'inverse, "si le champ politique était plus ouvert sur le religieux et au salafisme, cela pourrait aider à absorber l'extrémisme et à l'affaiblir".

"Face aux jeunes radicalisés, le discours salafiste peut être très persuasif", assène-t-il, se disant prêt à participer à des programmes de déradicalisation dans les prisons.

Les libertés individuelles "font l'objet d'un consensus entre toutes les sensibilités politiques au Maroc", se félicite-t-il. "Bien sûr, il y a des divergences dans la société, à propos notamment de l'homosexualité ou du voile (...) Mais il est possible de les gérer par la démocratie".

Le cheikh a dit en outre "comprendre" que sa candidature fasse "peur" à Guéliz, une circonscription de Marrakech où vivent de nombreux Occidentaux -surtout Français- au milieu des bars et boîtes de nuit.

"Cette crainte est infondée", assure-t-il. "Je ne suis pas d'accord avec ces pratiques de consommation d'alcool et d'adultère, mais je ne pourrai jamais les changer par la force. Je n'ai le droit que de donner des conseils (...) afin de montrer que ces choses sont nuisibles. Cela s'arrête là, conclut-il, insistant sur la "liberté de choix" dans l'islam.

"Je veux rassurer ceux qui ont peur (...) Je travaille dans le cadre de la Constitution, du droit et des institutions", plaide Hammad Kabbaj.

Avec AFP

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