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En Allemagne, chaque dimanche, Ode à la joie...d'être européen


"Ca fait 60 ans qu'on a les traités européens, 60 ans que nous sommes libres": à contre-courant de l'euroscepticisme ambiant et du Brexit, des milliers d'Allemands descendent dans la rue toutes les semaines pour défendre l'Europe.

Chaque dimanche, ils se retrouvent dans plusieurs villes du pays et, à plus petite échelle, ailleurs sur le continent (Lisbonne, Toulouse, Strasbourg ou Luxembourg) pour participer à des rassemblements "Pulse of Europe".


Le mot d'ordre : "insuffler de la vie au projet européen", à l'heure de la sortie programmée de la Grande-Bretagne et de la poussée partout des partis europhobes.

Ce dimanche, ils battront encore le pavé en Allemagne. La semaine précédente, au lendemain du 60e anniversaire du Traité de Rome, "Pulse of Europe" a atteint après deux mois d'existence un nouveau record à Berlin avec 6.000 participants.


Des familles accrochées à leurs poussettes et des manifestants grisonnants au look plutôt BCBG brandissent avec une certaine excitation de petits fanions ou de grands drapeaux au couleurs de l'Europe.

Ils écoutent religieusement des anonymes et des personnalités, se revendiquant de la génération Erasmus ou post-Seconde guerre mondiale, témoigner au micro de l'importance de l'Europe dans leurs parcours de vie.

"Ca fait 60 ans qu'on a les traités européens, 60 ans que nous sommes libres. Il nous faut défendre ça. Ca n'est pas possible d'avoir au pouvoir un de ces types aux cheveux blonds --qu'il s'appelle Le Pen, Boris Johnson ou Donald Trump-- et qui mette fin à ça" , tempête Daniel Winter, 39 ans.

L'idée est née au lendemain de l'élection de Donald Trump. L'avocat francfortois Daniel Röder et sa femme Sabine décident d'envoyer un mail à quelques amis pour organiser un petit rassemblement.

M. Röder dit avoir simplement eu l'intuition qu'il ne pouvait plus se contenter de "manifester le jour d'après". Lors du premier rassemblement en novembre à Francfort, ils étaient 200. Celui d'après 500, puis 2.000, 5.000.

"Ce sont des gens qui ont grandi avec l'intégration européenne et avaient la conviction fondamentale que ce mouvement d'approfondissement était irréversible, c'est cette conviction qui a été ébranlée", analyse la politologue Sandra Eckert dans le Frankfurter Allgemeine Zeitung.

A Lisbonne, il ne sont encore que quelques dizaines le dimanche sur la place Camoes. Mais passionnés.

"Mon grand-père était analphabète, comme plus de 30% de la population portugaise il y a trente ans. L'Europe a apporté au Portugal le développement et des infrastructures", a expliqué Miguel Soares, 46 ans, un de leurs chefs de file dans la presse locale.

Le fait que la mobilisation soit forte en Allemagne ne doit rien au hasard. Après la barbarie nazie, le pays a vu dans la construction européenne à la fois le moyen de revenir dans le concert des nations et pendant longtemps un patriotisme de remplacement. Plus qu'ailleurs sur le continent, elle fait partie de l'ADN national.

Les organisateurs de ce mouvement citoyen assurent n'être liés à aucun parti et n'avoir aucun autre objectif que de "maintenir le mouvement de dimanche en dimanche".

Mais pour la politologue Sandra Eckert, avec un calendrier de manifestation soutenu, "ces mouvements ont le potentiel pour influencer des élections, en augmentant la visibilité des questions européennes".

Ils coïncident en tout cas avec l'arrivée à la tête du parti social-démocrate allemand d'un militant de l'UE, Martin Schulz, ancien président du Parlement européen, qui a fait de la défense de la construction européenne un axe de sa campagne face au discours nationaliste.

Mobilisation sur internet, discours jouant sur la corde émotionnelle, voire la peur... Cette mobilisation pro-européenne emprunte les codes de ses opposants, les mouvements nationalistes et anti-immigration Pegida ou l'AfD.

Les pro-Européens allemands préfèrent mettre en avant l'Europe comme projet de paix, dans la veine des pères fondateurs.

"Nous insistons sur le fait que l'Europe est une construction humaine et à travers ces manifestations nous voulons d'abord maintenir le lien entre les gens", dit à l'AFP l'un organisateur, l'avocat berlinois Alexander Knigge.

A Berlin, dans un ultime moment d'osmose, la foule serrée autour de la statue de Schiller -- l'auteur de "l'Ode à la joie" (1785) mise en musique par Beethoven et devenue 200 ans plus tard l'hymne européen -- fait retentir au son de la fanfare le poème allemand:

"Ce que, sévèrement, les coutumes divisent; Tous les humains deviennent frères, lorsque se déploie ton aile douce".

Avec AFP

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