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A Soweto, les limites de la réconciliation éclatent en plein jour


Un homme marche sur une rue jonchée de de pierres laissées par les manifestants dispersés par la police à Soweto, Afrique du Sud, 7 mai 2015. IMAGES REUTERS / Siphiwe Sibeko TPX DU JOUR
Un homme marche sur une rue jonchée de de pierres laissées par les manifestants dispersés par la police à Soweto, Afrique du Sud, 7 mai 2015. IMAGES REUTERS / Siphiwe Sibeko TPX DU JOUR

Quarante ans après le soulèvement de Soweto réprimé par le régime de l'apartheid, des Noirs et d'ex-soldats blancs effectuent la marche que les écoliers n'ont pu terminer en 1976. Une première symbolique, mais les rangs sont parsemés samedi, témoignant du chemin à parcourir pour la réconciliation en Afrique du Sud.

Le 16 juin 1976, des milliers d'écoliers et d'étudiants avaient manifesté dans le township de Soweto pour protester contre l'introduction d'un enseignement dispensé en afrikaans, la langue des oppresseurs blancs. La police du régime raciste avait ouvert le feu. Soweto s'était embrasé, et le reste du pays dans la foulée.

La répression avait fait plus de 500 morts en quelques mois. Un tournant décisif dans la lutte contre le régime raciste qui est finalement tombé en 1994.

"L'imposition de l'afrikaans était une stratégie du régime de l'apartheid destiné à nous empêcher de réussir", témoigne samedi à l'AFP Joy Rabotapi, écolier en 1976 à Soweto et aujourd'hui homme d'affaires.

"On ne pensait pas que quelqu'un puisse mourir juste parce qu'il marchait dans la rue le poing levé. Mais c'est arrivé", se rappelle Trofomo Sono, 59 ans, qui a participé au soulèvement.

Pour la première fois en quarante ans, d'anciens militaires blancs - qui n'étaient pas à Soweto en 1976 mais ont été forcés de faire leur service militaire pendant les années d'apartheid - ont commémoré, avec des Noirs, le soulèvement.

"On est triste pour ce qui s'est passé il y a quarante ans. Nous sommes désolés que des gens souffrent encore(...) On peut présenter des excuses pendant un siècle, ça ne changera rien", explique Jan Malan, président de l'Association des forces de défense (SADFA) qui compte un millier d'anciens conscrits. "Il est temps d'entamer une nouvelle ère et de commencer à construire l'Afrique du Sud que nous voulons", dit-il.

A ses côtés, une poignée seulement d'ex-soldats, cheveux grisonnants, tous impeccablement vêtus en costume bleu marine, cravate assortie et chemise blanche. Aucun policier de l'ancien régime n'est présent.

Leur absence aujourd'hui "ne contribue pas à reconstruire la nation", regrette Joy Rabotapi, grand gaillard réservé. En revanche, la présence d'anciens soldats est "un pas positif" dans un pays encore "polarisé racialement", comme en témoigne de récents commentaires racistes sur les réseaux sociaux.

Le petit cortège d'une centaine de personnes s'ébranle du lycée Madibane à Soweto, après avoir inauguré une plaque en l'honneur d'Abiel Lebelo, un écolier tué par balles pendant le soulèvement. Direction, le stade d'Orlando.

Un stade quasi vide

"On finit la marche que les étudiants n'ont pas pu terminer. Ils ont été arrêtés et tués" par la police, explique le révérend Frank Chikane, à l'initiative de ces commémorations organisées par le puissant Conseil sud-africain des églises (SACC) et la Fondation du 16 juin 1976.

"Aujourd'hui la police nous aide", constate le révérend Chikane avec malice. Il pointe du doigt deux policiers à cheval, qui encadrent la "marche pour la paix". L'un est Blanc, l'autre est Noir.

En 1976, les écoliers brandissaient des pancartes "L'afrikaans pue" ou encore "Au diable l'afrikaans". Samedi, les slogans disent "Unissons nous pour ne former qu'un" et "L'unité dans la diversité".

L'unité en Afrique du Sud, pays meurtri par des décennies de discrimination envers la majorité noire, montre cependant ses limites samedi.

Le stade de Soweto, où doivent se succéder plusieurs intervenants dont le maire de Johannesburg Parks Tau, est quasi vide.

Seules quelques centaines de personnes - Blancs et Noirs - ont fait le déplacement. Une goutte d'eau dans un stade de 40.000 places. "C'est très frustrant", concède Fouche Dewet, un pasteur assis dans une rangée vide.

En tant que Blancs, "on est en partie responsables" de ce qui s'est passé pendant l'apartheid, explique-t-il à l'AFP. Aujourd'hui "nous voulons faire partie de la solution" pour ce pays.

Le révérend Zipho Siwa, président de la SACC, refuse de baisser les bras. La très faible participation témoigne de la "nécessité" de se réconcilier, 22 ans après la fin officielle du régime ségrégationniste.

"Les gens ne sont jamais prêts à le faire. Certains sont en colère. Certains sont blessés. Aujourd'hui n'est pas la fin du chemin, assure-t-il. C'est une invitation à avancer sur le chemin."

Avec AFP

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