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A Madrid, les prostituées à l'amende refusent d'être vues comme des "criminelles"


Une prostituée attend un potentiel client sur une rue de Nice, France, 21 novembre 2013.
Une prostituée attend un potentiel client sur une rue de Nice, France, 21 novembre 2013.

Les travailleuses du sexe s’indignent contre l’adoption en Espagne d'une nouvelle loi permettant de les verbaliser et leurs clients, s’opposant d'être assimilées à des "criminelles".

En théorie, la prostitution est tolérée en Espagne, même si des villes comme Barcelone, Valence et Séville infligeaient déjà des amendes pour racolage et prostitution sur la voie publique.

Mais en pleine année électorale, la droite au pouvoir a fait adopter une "loi de sécurité citoyenne", entrée en vigueur en juillet, afin de lutter contre différents troubles à l'ordre public et qui prévoit ces amendes.

Désormais, sont interdits les "actes d'exhibition obscène" et la prostitution près de lieux "destinés à l'usage de mineurs comme des établissements scolaires, parcs pour enfants ou espaces de loisirs".

Ces infractions, jugées graves, sont passibles d'amendes allant jusqu'à 600 euros pour les péripatéticiennes, et 30.000 pour leurs clients, sans passer devant un juge.

A Madrid, des prostituées ont récemment manifesté contre cette mesure, aux cris de "Non à la loi de sécurité citoyenne!".

Dans le parc industriel de Marconi, haut-lieu de la prostitution madrilène, elles ont voulu montrer leur nouveau quotidien dans une petite pièce de théâtre présentée mi-octobre: deux travailleuses du sexe arpentent le trottoir et font l'objet d'un contrôle d'identité. La scène, disent-elles, est devenue trop courante.

Maintenant "les passes avec nos clients sont plus rapides, plus précaires. Cela t'amène à aller travailler dans des endroits plus éloignés et cela comporte un danger", explique à l'AFP Ninfa Vera (prénom modifié), d'origine équatorienne, juste après la pièce. "Cette loi fait de nous des criminelles", dénonce-t-elle, déguisée en policier.

Ninfa milite au sein de l'Association féministe des travailleuses du sexe (Afemtras), regroupant des prostituées officiant dans le quartier de Marconi.

Selon cette association déjà plus de 300 amendes ont été infligées à des clients dans ce quartier. Quelque 240 amendes contre des prostituées ont été établies, même si leur règlement ne leur a pas encore été demandé.

Devant les caméras des médias, les manifestantes ont aussi fabriqué de petites affiches présentant les différents arguments avancés pour justifier cette loi, avant de les déchirer et les jeter dans des sacs poubelles: "Il faut infliger des amendes aux clients pour sauver les femmes réduites à la prostitution", "les prostituées salissent la rue"...

- se prostituer 'sans déranger' -

La loi a pour but "d'éviter que la prostitution s'exerce dans un environnement où se trouvent des mineurs", fait valoir la préfecture de Madrid, expliquant que le voisinage s'en plaint depuis "plus de 16 ans".

Maribel Diaz, présidente de l'association de riverains Residencial Resina, assure ainsi qu'"en allant faire ses courses, on peut tomber sur une fellation en pleine rue ou quelqu'un en train de se masturber".

"Nous demandons (...) un espace où nous pourrions travailler sans déranger ni être dérangées, et la normalisation de notre travail", insiste pour sa part Ninfa Vera.

Pour l'ONG espagnole Anesvad, engagée contre la traite d'êtres humains, 80% des prostituées exerceraient contre leur gré. Elles viennent de Roumanie, du Brésil, du Paraguay, du Nigeria et de Chine, selon le ministère de l'Intérieur.

Les prostituées sont soutenues par la plateforme citoyenne Ahora Madrid, composée de plusieurs partis très à gauche, dont l'antilibéral Podemos, et qui a remporté les élections municipales.

Après la médiatisation du cas d'une prostituée roumaine sanctionnée en juillet, la maire de Madrid Manuela Carmena, ancienne juge très à gauche, avait critiqué "l'application bureaucratique" de la loi.

"La loi de sécurité citoyenne n'aborde pas les problèmes, elle sanctionne exclusivement ses effets", a-t-elle commenté, avant de regretter que "l'on ne soit pas capable d'arrêter, de sanctionner, de juger les responsables de cette situation, à savoir les mafias qui tirent bénéfice de ce commerce illégal".

S'inspirant du modèle "nordique", le Parlement européen a adopté une résolution en 2014, invitant tous les Etats-membres à sanctionner les clients plutôt que les prostituées.

Avec AFP

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