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Côte d'Ivoire : enquête sur la filière cacao


En Côte d’Ivoire, le président Laurent Gbagbo a ordonné récemment une enquête sur les allégations de détournements dans le secteur du cacao. Lisa Bryant, chef du bureau de la VOA à Paris, a mené sa propre enquête sur le sujet. Elle s’est d’abord rendu à Fangolo, dans l’ouest du pays, où le planteur Issa Wattara lui a d’abord montré les plants de cacao qui poussent aux abords du village.



La Côte d’Ivoire est le plus gros producteur de cacao dans le monde. Une bonne partie de cette production prend le chemin de l’Europe et des Etats-Unis. Dans un rapport publié au mois de juin, l’ONG Global Witness accusait le gouvernement ivorien et les rebelles du Nord d’avoir constitué leur trésor de guerre avec les dollars du cacao, à grand renfort de détournement et d’extorsion.

Maria Lopez, de Global Witness, explique que d’après les estimations, les protagonistes de la crise ont empoché ensemble plus de 118 millions de dollars provenant du commerce du cacao. Le gouvernement s’est approprié près de 60 millions de dollars en un laps de temps très court, allant du début du conflit en septembre 2002 à décembre 2003. Près de 60 autres millions de dollars sont allés aux rebelles en deux ans. Et les ponctions n’ont pas cessé malgré l’accord de paix signé en mars à Ouagadougou. Les allégations de Global Witness ont été démenties par les parties en présence.

Robert Rensi, spécialiste en cacao auprès de l’Union européenne dit que le dossier cacao représente un condensé des enjeux du conflit inter-ivoirien. « Toute la crise ivoirienne peut être ramenée à une lutte entre forces en présence pour l’accès aux ressources cacaoyères, sur fond d’exclusion d’une partie de la population. Le cacao a créé un vrai problème de propriété foncière et un faux problème identitaire. » En dernière analyse, conclut Robert Rensi, il s’agit du contrôle de ressources traditionnellement gérées de manière opaque..

Le secteur cacaoyer, selon l’organisation internationale du cacao, brasse 1 milliard 300 millions de dollars. Un pactole, dont une portion infime parvient au village de Fangolo, indique le planteur Issa Wattara.

Avant la libéralisation de la filière, rappelle-t-il, les prix étaient stables puisque fixés par l’Etat, mais depuis, ils fluctuent en fonction du marché et les planteurs ne s’y retrouvent pas.

Pour mettre fin à l’ambiance de fraude qui prévaut dans ce secteur, l’Union européenne a recommandé dans un rapport publié au mois de juin, la fermeture de la Bourse Café-Cacao. Le président du conseil d'administration de cette institution, Lucien Tapé Doh, n’est pas d’accord ; selon lui, c’est la crise ivoirienne qui a imposé une nouvelle manière de procéder, mais ça ne veut pas dire qu’il y vol.

Certains observateurs doutent que l’enquête ordonnée par le président Gbagbo sur les allégations de fraude dans le secteur cacao sera très poussée ou efficace. Du reste, toute enquête sur la question peut être périlleuse pour l’enquêteur. C’est ce qu’avait tenté de faire le journaliste franco-canadien Guy-André Kieffer et chacun sait ce qui lui est arrivé, rappelle Robert Rensi de l’Union européenne. « Il a été enlevé et probablement assassiné à cause de cette enquête. C’est de toute évidence un secteur très dangereux parce qu’il alimente la crise ivoirienne », a conclu Robert Rensi, spécialiste de la Côte d’Ivoire à l’Union européenne.

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