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L'Allemagne redoute un enracinement de la xénophobie dans l'ex-RDA


Angela Merkel au Bundestag, Berlin, Allemagne, le 17 février 2016.
(AP Photo/Markus Schreiber)
Angela Merkel au Bundestag, Berlin, Allemagne, le 17 février 2016. (AP Photo/Markus Schreiber)

L'Allemagne s'inquiète d'une forme de dérive xénophobe dans l'ancienne RDA, amplifiée avec l'arrivée des migrants et aiguillonnée par des mouvements politiques comme Pegida, après plusieurs incidents dont l'incendie d'un foyer sous les vivats de la foule.

"La honte en Saxe", titre lundi le quotidien de gauche TAZ en résumant un sentiment largement partagé: le pays est scandalisé par les événements survenus ces derniers jours dans cet Etat régional de l'est, qui ont réveillé de mauvais souvenirs.

Il s'agit en premier lieu de l'incendie vraisemblablement criminel d'un bâtiment devant accueillir des réfugiés à Bautzen. Au-delà de l'acte --il s'en est produit beaucoup de ce type ces derniers mois-- ce sont les quelques dizaines de badauds "manifestant une joie non dissimulée", selon la police, voire gênant l'intervention des pompiers, qui ont choqué.

L'Allemagne se remémore le traumatisme causé par la vague de violence anti-immigrés après sa réunification, lorsqu'un foyer à Rostock, déjà dans l'ex-RDA, avait été pris d'assaut en août 1992 et incendié sous les applaudissements d'une foule de 3.000 personnes.

- 'On se réjouit quand ça brûle' -

"De nouveau on se réjouit quand ça brûle" en Allemagne, déplore lundi le quotidien populaire berlinois B.Z.

L'incendie de Bautzen est survenu après qu'un bus de réfugiés arrivant dans un autre foyer, à Clausnitz toujours en Saxe, eut été accueilli jeudi soir par une centaine de manifestants hostiles hurlant "Nous sommes le peuple!", le slogan des manifestations contre la dictature communiste en RDA fin 1989.

Les images d'un policier évacuant de force un adolescent du car et les révélations sur l'appartenance du responsable du foyer au parti anti-réfugiés Alternative pour l'Allemagne (AfD) ont ajouté à la polémique. Ce responsable a été limogé lundi. Son propre frère est soupçonné d'avoir participé à la manifestation.

La chancelière Angela Merkel, par la voix de son porte-parole Steffen Seibert, a parlé lundi d'un événement "profondément honteux" et a accusé la foule de "lâcheté".

"La haine et la violence sont davantage visibles dans l'est" de l'Allemagne et "les convictions démocratiques et morales moins solides" qu'à l'Ouest, a reconnu lundi l'ancien président de la chambre des députés, Wolfgang Thierse, issu lui-même de RDA et figure morale très respectée.

Le phénomène n'est pas nouveau mais prend avec l'afflux d'un nombre record de migrants une nouvelle dimension.

- Pegida 's'est emparé' de l'espace public -

Sur les 231 agressions d'extrême droite recensées depuis le début de l'année dans le pays, 47 se concentrent en Saxe, selon un décompte de deux ONG allemandes. Un responsable du parti social-démocrate, Burkhard Lischka, a mis en garde contre le risque pour la Saxe de devenir "un Etat défaillant" en matière de lutte contre l'extrémisme.

Globalement, selon les statistiques officielles pour 2015, les actes de violence d'extrême droite en Allemagne ont doublé par rapport à 2014, à environ un millier. Et si la répartition par régions n'est pas encore connue, la tendance affichée en 2014 était claire : près de la moitié de ces actes avaient été commis à l'est, pourtant nettement moins peuplé.

Électoralement, c'est dans l'ex-RDA que l'AfD, voire le mouvement néo-nazi NPD au niveau communal, font leurs meilleurs scores. L'AfD est créditée de 17% des voix par un sondage pour les prochaines élections régionales de mars en Saxe-Anhalt (est).

Manque de contact avec les étrangers et de culture démocratique en RDA, retard économique ou sentiment de déclassement exacerbé à l'est : les tentatives d'explication sont nombreuses, sans qu'aucune ne suffise à elle seule.

Le facteur économique par exemple ne tient que partiellement en Saxe, région économiquement la plus dynamique de l'ex-RDA avec la Thuringe voisine.

"Il y a dans l'Ouest de l'Allemagne une société civile forte avec une culture du débat solide, qui montre clairement aux extrémistes de droite qu'ils sont à la marge", estime le sociologue spécialiste de l'extrême droite Matthias Quent.

A l'est en revanche, le mouvement islamophobe "Pegida et d'autres groupes se sont emparés de l'espace public et l'ont déplacé vers la droite (...) les gens économiquement déclassés ont moins à perdre et il y en a plus actuellement à l'est", ajoute-t-il dans une récente interview à l'hebdomadaire Die Zeit.

Avec AFP

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